Reprends toi se dit-il en observant son reflet dans la glace, le visage et les cheveux humides après s’être aspergé d’eau froide. Le cours va commencer dans quelques minutes, mais son coeur ne veut pas s’arrêter. Et si elle est là ? Il ne l’a pas revue depuis. Ren a eu beau relire ses messages cent fois… il n’a pas réussi à en comprendre plus. Peut-être est-ce plus facile, de ne rien comprendre. Quelle est l’alternative ? Penser que pendant toutes ces années… Giu était secrètement amoureuse de lui, alors qu’il sortait avec sa soeur? Est-ce que cette idée n’est pas tout simplement absurde ? Et il l’écarte à nouveau, malgré tous les signes qui maintenant lui semblent évidents, l’écarte à nouveau, malgré le bond de joie que semble vouloir prendre son coeur en imaginant que peut-être, peut-être, Giu pourrait l’apprécier de cette façon là. Ou peut-être, après tout, n’était-ce que dans le passé. Peut-être qu’il a tout gâché. Une nouvelle fois.

“Quoi… tes élèves te donnent des sueurs froides ?” plaisante un professeur en entrant dans les vestiaires. Les dents de Ren viennent s’accrocher à l’intérieur de la joue, mais il finit bien évidemment par sourire, rire, et faire comme si de rien n’était, comme d’habitude. “Ils me font faire des cauchemars la nuit…” répond-il en se redressant, arrangeant ses cheveux en passant les doigts à travers, et enfilant la bandoulière de son sac de sport par dessus son épaule. “Prie pour mon âme !” lance-t-il à sa collègue avant de quitter les vestiaires des professeurs, se dirigeant vers le studio de danse dans lequel il donne cours cet après midi là. A chaque pas qui le rapproche de la salle, les boum, boum résonnent un peu plus fort au creux de ses tympans. Sa main, contre la poignée de la porte, reste un peu trop longtemps posée, mais il finit par la pousser en inspirant, entrant à l’intérieur sans jeter un coup d’oeil à l’assemblée d’élèves déjà prêts.


Il prend son temps. Pose son sac de sport près du miroir, vérifie que l’appareil à musique fonctionne bien, s’étire en invitant la classe à faire de même. Pas besoin de vérifier maintenant. De toute façon, elle n’est probablement pas là finit par lui dire une petite voix, pour le rassurer. Il redresse le regard, et un instant, ne voit là que son groupe d’élèves habituels. Un léger sourire redresse ses lèvres, jusqu’à ce que son regard capte la figure frêle de Giu, dans un coin. Une seconde d’hésitation, pas assez pour que ça se remarque, il espère, et il se retourne pour commencer le cours.

La séance se déroule comme à son habitude. Son trouble, pourtant grand, ne paraît pas durant les deux heures qui constituent le cours. Pour éviter d’avoir à affronter Giu directement, il invite les élèves à se mettre par deux, et de tenter de corriger par eux même les défauts de posture ou les simples erreurs de l’autre, pour s’entraîner. Pendant ce temps, il fait mine de regarder, lance quelques remarques, mais s’applique surtout à penser à s’il doit l’arrêter à la fin du cours, s’excuser, ou quelque autre option qui soit.

Malgré ses intentions de rester stoïque, le partenaire de danse de Giu rend la tâche compliquée. Il les entend, ces remarques au ton doucereux, et il l’a aperçu, ce regard tout sauf innocent. “On se concentre.” a-t-il lancé plusieurs fois entre ses dents, peinant pour ne pas grimacer, ou le virer tout simplement. Il n’a pas envie que quiconque remarque… Giu elle même, n’a fait que lui rappeler à quel point ces rumeurs l'embêtent. Mais qu’est-il censé faire ? Le feu, au creux de son estomac, ne fait que devenir plus ardent. Ce n’est pas celui, agréable, qui l’a pris chez lui, lorsqu’il avait eu envie de l’embrasser, mais celui, douloureux, d’une cuisante jalousie.

“Song Hyungjun.” finit-il par déclarer, durement, en se plantant devant le duo. “Est-ce que vous avez tout oublié de ce qu’on a appris la dernière fois ?” lance-t-il en le fixant sombrement, séparant les deux pour venir se mettre à la place du danseur. “Les mains...ne sont pas là” lance-t-il en venant poser ses mains autour de la taille de Giu, un peu plus haut dans son dos “par pour une danse pareille” ajoute-t-il dans un souffle, plantant son regard dans celui de la jeune femme. “Elles sont là” démontre-t-il en laissant ses doigts glisser contre la courbe de son dos, pour venir se poser contre la chute de ses reins. Il retient sa respiration. Regarde Giu dans les yeux, mais a l’air de regarder à travers. Tente de faire comme si c’était n’importe qui. Pas elle. Et l’espace d’un instant, ses doigts se resserrent contre sa peau, sa mâchoire se contracte. Après quelques longues secondes de battement, Ren finit pourtant par se détacher. “ça ne sert à rien de venir si c’est pour faire le clown. je sais à quelle point votre famille est… généreuse, mais je n’en ai rien à faire. si vous continuez vos sottises, je vous vire.” annonce-t-il finalement à Hyungjun, avant de s’écarter du duo. L’heure touche à sa fin. Et avant que les élèves ne s’échappent, il leur annonce “je vais effectuer des évaluations individuelles. entretien de motivation. évaluation de votre amélioration. un élève par soir, je commence aujourd’hui.” lance-t-il en venant poser son index contre la liste des élèves, le laissant monter et redescendre pour choisir un élève au hasard. Le nom sur lequel il tombe est Kang Soobin. “Moon Giulietta” lance-t-il pourtant, “vous commencez.”

Elle grogne. Plus les mains de Kira dans son dos la pousse en direction de la salle et plus Giulietta y va à reculons. « Aish Unnie, arrête ça ! Et puis d’abord, t’es sûre que tu n’as plus rien à m’apprendre ? Moi j’ai pas l’impression d’être devenue si experte que ça en danse du ventre… » Marmonne-t-elle en faisant bêtement poids mort, obligeant la pauvre Aino à la retenir tout en la poussant d’avantage. Pas très chic question ergonomie ça. Pour autant, la scène semble plus drôle que jamais pour ceux passant près des deux jeunes femmes. Des ‘oh ! tu as vu comment elles sont copines ?’ et des ‘Mais qu’est-ce qu’elles font ?’ fusent à tout vas. Et alors qu’elle distingue la porte de la salle au loin, l’italienne s’empresse de se cacher au détour du couloir, pire qu’une poule mouillée.  Même Brigitte semble avoir plus de cojones qu’elle. « Giu ! Non mais, tu as quel âge à la fin ?? » Finit par gronder une Kira essoufflée, perdant visiblement patience. « 18 ans. Je suis trop jeune. Trop immature. » Assure-t-elle sans hésiter, avec une expression pourtant terriblement sérieuse, en parfait contraste. Elle se prend une pichenette, forcement. Puis, sans plus rien dire, Giulietta se laisse gentiment sermonner par son ainée. Oui. C’est sûr qu’en séchant de plus en plus les cours de Ren, elle allait finir par avoir des soucis. Sauf que Kira, elle ne connait pas toute l’histoire. Encore moins leurs derniers échanges par message… « J’ai bien compris que ces rumeurs te perturbaient. Mais si tu penses que l’éviter calmera les choses, tu te goures ! C’est même le contraire qui risque de se produire à force ! » Soupire malgré tout la plus âgée, avant de finalement l’obliger à se tourner en direction de la salle. Sans prévenir, elle lui donne un petit coup de pied dans le derrière. « Allez, oust ! Files maintenant et ne reviens plus à mon cours ! » Braillant tout en se frottant les fesses, c’est une Giulietta vaincue qui ne peut s’empêcher de s’écrier « Ça ne se fait pas de taper les élèves ! T’es qu’une milf de toute façon ! Tu les prends tous dès la sortie de la crèche !! » Le rapport ? Aucun. Mais tout le monde sera ravi d’apprendre que Mademoiselle Kira faisait dans les jeunots. Cela ne semble même pas perturber la jeune prof, qui passe à travers les élèves médusés en trottinant. Mais c’est qu’elle est fière en plus, celle-là ! Serrant rageusement sa jolie mâchoire, la belle italienne finit par se retrouver devant cette foutue porte encore fermée… qui semble n’attendre qu’elle pour l’engloutir toute entière. Boum. Boum. Boum. Son cœur n’arrête pas de s’affoler. Est-il là ?

Est-il arrivé… ?

Non. Pas encore, visiblement. Giu saisit alors l’occasion. Sans faire d’histoire, elle rentre vite dans la salle et s’empresse de se trouver un coin en espérant se faire oublier. Par pitié, qu’on ne la remarque pas. Elle ne veut pas parler, encore moins se justifier. Juste… Que ce cours passe le plus rapidement possible et que la journée se termine enfin. Le fuit-elle ? Bien sûr. Comment pourrait-il en être autrement ? Cet idiot n’avait même pas répondu à son dernier message, pourtant plus qu’équivoque. Plus que la colère ou la tristesse, l’italienne ressentait une véritable honte. Oui, la honte de s'être autant mise à nu pour lui, de s'être autant dévoilée. Une bonne leçon à retenir. Cette fois, plus question d’être faible. Il fallait qu’elle tourne définitivement la page sur Choi Ren. Même si c’était dur, voir quasiment impossible à l’heure actuelle… Il fallait qu’elle l’oublie. Qu’elle arrête d’être attachée. Qu’elle arrête de craquer. De le trouver toujours plus insupportable et beau à chaque nouvelle rencontre. Qu’elle efface à tout jamais de son esprit ces instants où ils avaient été si proches. Cette tension cuisante, tranchante comme une lame. Tout ça... c'était fini. Choi Ren devait absolument disparaître de sa mémoire.

Seulement lorsqu’il arrive, tout dégringole encore une fois. Sans même le regarder, s’obligeant à garder le visage baissé, la belle sent son cœur qui s’affole. Elle en devient presque sourde au moment où la voix du japonais se fait entendre dans la salle. Pendant tout le cours, Giu tente alors de se faire violence. De se concentrer aucunement sur les pas ainsi que la chorégraphie. Il faut dire que le boulet qu’on lui a donné en duo ne l’aide pas vraiment. N’éprouvant aucun plaisir à danser avec lui, encore moins à être touchée par ses mains, c’est une Moon abordant un visage froid et fermé qui s’efforce à s’adapter. Dieu… Comment ce gars peut être si populaire auprès de tant de filles ? Il est tellement insignifiant. Ces pseudo regards de braise la rendent plus tiède que jamais. Ne parlons pas de ses tentatives de dragues lamentables.

Et alors qu’elle s’apprête à le remettre à sa place, c’est contre toute attente lui qui vient le faire, indirectement. Sans oser le regarder sur le coup, Giu se laisse approcher et apprivoiser par le beau brun. Elle le laisse rentrer de nouveau dans sa bulle alors les frissons, brusquement, viennent fatalement emplir son ventre par milliers. Son cœur lâche. Sans pouvoir s’en empêcher, son regard finit par se redresser pour s’encrer dans le sien. Noir. Troublé. Profond. Si son visage reste de marbre, ses yeux hurlent. Ils hurlent pour répondre à l’appel silencieux de ceux du Choi, comme des aimants en pleine lutte. Elle le veut. Tellement. D'un désir fou, qu'elle ne saurait même pas expliquer, encore inconnu. Elle le veut tellement qu'elle le déteste. Comment fait-il. Comment fait-il pour la faire passer de tiède à brulante comme de la lave ? Pourquoi lui fait-il imaginer les plus vils scénarios d’une façon aussi délicieuse ? Tout ce qu’elle aimerait lui faire… Et tout ce qu’elle crève d’envie qu’il lui fasse… Absolument tout défile honteusement dans sa tête, à son plus grand drame. Elle s’autorise seulement à respirer lorsqu’il se détache, après quelques secondes ayant parues plus longues que l'éternité-même.

Une évaluation ? Elle n’avait pas été prévenue… “Moon Giulietta, vous commencez.” Quoi ? Sérieusement ? Ne pouvant s’empêcher d’aborder une mine boudeuse, la belle observe passivement le reste de la classe quitter la salle. Bien évidemment, c’est elle la première hein… Veut-il réellement lui faire croire que c’est le fruit du hasard ? Sans affronter le regard du Choi, elle finit par croiser les bras une fois qu’ils se retrouvent enfin seuls, soupirant. « Une évaluation… Je n’ai pas assisté à tes cours depuis des semaines. A quoi bon ? » Fait-elle remarquer en marmonnant, n’appréciant réellement pas le piège qu’il venait de lui tendre. Ici, seule avec lui, elle se sent comme dans un huit clos. Impossible de s’échapper. Impossible de l’affronter non plus. Elle n’en a pas le courage… « A quoi bon, Ren ? » Répète-t-elle tout bas, plus sérieusement… d’une voix étrangement plus fragile. Giu ne parlait pas de l’entretien cette fois. Pourquoi perdait-il son temps à lui tendre de telles embuscades ? Ça n’avait pas de sens… « … Désolée, je suis pressée. » Finit-elle par indiquer de façon mal assurée, de plus en plus mal à l’aise par cette tension toujours trop forte entre eux. Cette ambiance la tue. Préférant jouer les chipies pourries gâtées plutôt que montrer sa peine, l’italienne finit par tourner son dos pour se diriger vers les vestiaires. « T’as qu’à m’envoyer tes questions par mail. » Marmonne-t-elle d’un air désintéressé, bien résignée à s’enfuir au plus vite d'ici.

Les autres élèves, lentement, quittent la salle. Même du coin de l’oeil, Ren remarque certains qui les regardent de manière appuyée, lui et elle, comme si on s’était attendu à ce qu’elle soit choisie. Et il s’en veut. Peut-être aurait-il dû être plus discret. La choisir demain. Après-demain. La patience, ce n’est pas quelque chose qu’il connaît.

Finalement, ils ne restent plus que tous les deux. Entre eux, le silence vient s’étaler, et Ren s’en veut. S’en veut de ne pas relever le regard, de ne même pas savoir quoi dire… s’en veut d’avoir envie de parler de tout sauf de la danse, sauf du cours. Après tout, est-ce vraiment pour cette évaluation qu’il l’a arrêtée ? Non. Il a profité de sa position pour l’avoir à lui, pour la coincer sans qu’elle n’ait la possibilité de lui échapper. Devrait-il lui poser la question? Lui exiger une explication face aux SMS qu’elle lui a envoyé ? Ou devrait-il faire comme si de rien n’était ? Peut-être qu’il est seul, à tant y réfléchir. Si ça se fait, Giu est passée à autre chose.

Accroupi au sol, occupé à ranger ses affaires, Ren l’écoute parler sans savoir quoi répondre. A quoi bon ? Il ne le sait pas. Le prend-elle pour un cas désespéré ? Peut-être l’est-il. Sûrement devrait-il abandonner, même, au lieu de continuer à courir après elle, inlassablement, avant de finalement tout gâcher, à répétition. Il n’y arrive pas, pourtant. A se terrer dans la résignation. Sur certaines choses, Ren est, malgré tout, incroyablement têtu.

Il ne relève la tête que lorsqu’elle s’excuse, sentant sa fuite imminente. Et peut-être parce qu’il hésite un peu trop longtemps, elle a déjà quitté la pièce, elle est déjà loin, et lui reste comme ça, stupide, à cligner des yeux dans le vent. Idiot se dit-il en fronçant les sourcils, laissant un long soupir lui échapper. Il se redresse, passe la bandoulière par dessus son épaule et pourtant, n’arrive pas à s’empêcher d’aller après elle. Lorsqu’il finit par pousser la porte des vestiaires, il n’y a plus que Giu ici. Les autres ont déjà eu le temps de se changer et de partir. Sa présence ici… est inappropriée. Si on le savait entrant sans même toquer dans le vestiaire des filles pour venir y parler avec une de ses élèves… il aurait sûrement d’affreux problèmes. Il ignore pourtant toutes ces choses qui le grignotent, et ferme la porte derrière lui. “Ne te déshabille pas.” lance-t-il durement, les yeux plantés vers le sol. Il ne manquerait plus que Ren l'aperçoive dans cette tenue, non… sûrement que tout est déjà bien trop compliqué comme ça. Et il relève le visage enfin, s’approche en sa direction, vient se planter devant elle en la coinçant, entre son corps et les casiers. “Désolé” ne peut-il s’empêcher de lui lancer. Il a bien conscience qu’il l’énerve. Qu’il ne comprend rien à rien. Que dans cette situation, c’est lui le paumé qui rend tout compliqué. Il ne fait pas exprès. “Je ne peux pas te laisser partir, comme ça” souffle-t-il en venant rencontrer son regard. Qu’elle le prenne comme elle veut. En référence à ce moment précis, ou à toute la vie. Ren, lui même, ne sait pas trop ce qu’il entend par là. “Je suis l’adulte… non ? Le plus vieux, en tout cas. Je devrais… prendre une décision. Avoir une vision claire de tout ce qui se passe ici. Je devrais prendre mes responsabilités et choisir la marche à suivre.. mais Giu, j’y comprends rien… je suis perdu…” lui lance-t-il en secouant la tête, laissant une certaine détresse briller dans son regard. Et il cherche ses mots, un instant, laisse son regard s’égarer, avant de revenir la regarder. Il ne voit qu’une question, pour ne pas se perdre en élucubrations, pour mettre fin à cette situation sans s’égarer. “Est-ce que tu m’aimes ?” vient-il lui demander, ignorer les battements effrénés de son coeur, ce désir monstre qu’elle lui réponde oui, rien que oui, sans même savoir ce qu’il ferait, si les choses se déroulaient ainsi.

Qui est le plus trouillard des deux, dans le fond ? Tout se mordant rageusement la lèvre, Giu finit par s’enfuir. Elle s’enfuit en direction des vestiaires pour filles, le cœur lourd. Un cœur qui ne fait que tambouriner et qu’elle ne peut que maudire, de battre aussi fort. Est-ce donc ça, sa réelle malédiction ? Elle pensait pourtant que le manque d’amour maternel aurait été le plus logique… comme la souffrance de devoir toujours être comparée à Carla, depuis la plus tendre enfance. Il semblerait que le destin en veuille autrement. Quoi qu’elle fasse, où qu’elle aille… Elle n’arrive pas à se le sortir de la tête. Elle a beau le détester pour ça, beau l’insulter de tous les noms… Giu est inévitablement obligée de se rendre à l’évidence : qu’importe le nombre d’année défilant à vive allure, elle n’aura toujours d’yeux que pour lui. Les bonnes résolutions et le temps n’y changeront rien. Il l’obsède. Il la fait faiblir. Malgré le fait que ce soit un idiot fini, sa gentillesse et sa beauté la touche. Sa maladresse d’autant plus. Ce n’est pas pour rien qu’elle n’a jamais eu de petit ami. Pas pour rien qu’aucunes lèvres n’ont  eu l’occasion de dérober les siennes. Même si la raison ne le veut pas, le cœur – lui – ne voit que lui. Rien n’est mieux que lui. Rien ne le surpasse. Elle aura beau lui trouver tous les défauts du monde, jamais aucun homme n’aura fait battre son cœur comme il le fait. Cet imbécile de muscle qui la contredit à chaque instant… Un rire triste lui échappe, en réalisant cela. Est-elle donc résignée à ça ? A ce que Choi Ren soit le seul capable de lui faire autant d’effet… ? Pourquoi devrait-elle abdiquer…

“Ne te déshabille pas." Son dos se dresse en entendant sa voix si près d’elle, parcouru de frissons. Elle se retourne vers lui tandis qu’il vient la coincer entre son casier et lui, l’emprisonnant à nouveau de son regard. « Tu ne devrais pas être ici. » Gronde-t-elle d’une voix nerveuse, plus craintive qu’en colère. “Je ne peux pas te laisser partir, comme ça” Le temps d’une seconde, ses sourcils se défroncent, en entendant cela. Et pourquoi ne le peut-il pas ? Qu’est-elle pour lui à la fin ? Il parle de prendre ses responsabilités… ne voit-il pas qu’elle est toute autant perdue que lui ? Qu’elle ne peut pas l’aider ? Tout en affrontant son regard du mieux que possible, Giulietta garde son visage fermé. Rien ne pourrait la trahir, si ce n’est la lueur brillante illuminant ses yeux à cet instant. Et lorsque cette foutue question tombe enfin, son cœur se serre autant d’émotions que de peur. Elle ne le veut pas… mais son corps, si près du sien, tremble comme une feuille morte. Les mots ne veulent pas sortir, quand bien même ils en crèveraient d’envie. Terrorisée par cette vague de sentiments si forts la submergeant tout à coup, la jolie italienne s’empresse de lui tourner le dos à nouveau, sans pour autant que le distance entre leurs corps ne s’agrandissent. Comme pour défier son autorité, elle enlève son haut et se retrouve alors en brassière, feignant de vouloir au plus vite se changer. « Quelle importance… » Souffle-t-elle avec amertume, allant même jusqu’à échapper un rire chagriné. « Vas-t-en. » Ordonne-t-elle d’une voix contrariée, ne pouvant pour autant masquer totalement la peine qu’elle ressent. La colère et l’amour grondant dans son estomac.

Est-ce que c’est parce qu’il veut le voir, qu’il arrive à l’apercevoir dans ses yeux ? Cette lueur, qui va à l’encontre de ce qu’elle lui affiche, à ce moment là. Il le sent, comme elle fait des efforts pour ne rien lui montrer. A quoi bon lui cacher ? A-t-elle peur de ce qu’il ferait avec ses aveux ? Ren lui même, sait au moins qu’il ne ferait jamais rien pour lui faire du mal, si elle lui ouvrait son coeur avec tant de fragilité… ou en tout cas, il aime à le croire. Après tout, il n’a jamais réellement voulu la faire pleurer, l’énerver, et il semblerait pourtant que toutes ces choses se répètent, contre son bon vouloir. Quelle décision doit-il prendre, pour qu’elle arrête d’avoir mal? Et qu’il arrête de se sentir coupable en boucle, éternellement ? Doit-il prendre le taureau par les cornes ? Doit-il, lui aussi, épancher un coeur qu’il ne comprend que si peu ? Les sentiments qu’il ressent envers Giu… les sentiments… y en a-t-il ? A-t-on jamais connu un homme aussi perdu sur ce qui l’anime ? Comment est-il censé savoir ? Il s’est toujours retrouvé dans toutes ses relations sans trop savoir comment. ça ne lui a jamais fait réellement peur, il n’avait jamais eu l’impression qu’il pourrait perdre beaucoup, si jamais cela ne marchait pas. Mais ici… ici… perdre Giu, que ce soit son amour, son amitié, ou sa simple présence, ne lui convient pas. Il ne peut s’y résoudre.

Alors même qu’il s’apprête à reposer la question, elle se retourne, et lui, frustré, plisse le visage. Sa respiration s’arrête, lorsque Giu commence à se dévêtir, comme ça, alors qu’il n’est qu’à quelques malheureux centimètres derrière elle, et ne peut que fixer, bêtement, le grain de sa peau, le tissu de sa brassière. Malgré lui, tout s’éveille à nouveau. Il sait qu’elle ne fait pas ça pour le provoquer… ou tout du moins… pas ce genre de provocation, et pourtant, l’effet est là. Les mots qu’elle lui lance viennent remplir sa poitrine de tristesse. Sans pouvoir s’en empêcher, et plus violemment qu’il ne l’aurait voulu, Ren s’empare du bras de Giu pour qu’elle se retourne à nouveau. “Arrête ça !” lance Ren, énervé, frustré, laissant, dans le timbre tremblant de sa voix, dans l’expression suppliante de son visage, échapper les émotions violentes qui le prennent. Ses doigts restent autour de son poignet. Son regard, furieusement, vient se plonger dans le sien. Pour la première fois, c’est lui qui a envie de lui déclarer combien elle est stupide, combien la façon dont elle se comporte, là, ne fait qu’empirer les choses. Inconsciemment, son corps se rapproche de celui de Giu, et il n’écarte pas le regard, tout entier concentré à lui faire comprendre que ce qu’il lui demande, là, n’est pas une simple question posée en l’air. Il vient, lui même, de le réaliser.

“Est-ce que tu m’aimes, Giu ?” répète-t-il, laissant son souffle chaud s’échouer contre ses lèvres. “Réponds moi” ajoute-t-il en tendant la mâchoire. Ils sont si proches que son torse, à chaque inspiration, vient frôler la courbe de sa poitrine. Il perd le contrôle de lui même. Pose sa main libre contre les casier, à côté du visage de Giu.“S’il te plaît” laisse-t-il finalement échapper dans un souffle, ses lèvres si près de frôler les siennes, son regard, profondément, ancré dans le sien.

Sans pouvoir l’anticiper, il l’oblige à se retourner de nouveau, dans une rapidité effroyable. Dos brusquement plaqué contre le casier, Giu ne peut qu’afficher un regard aussi surpris que brillant, tandis qu’elle tremble toute entière en sentant le corps du brun se coller contre le sien. « Lâche-moi ! » Grogne-t-elle en criant, plus bien tétanisée qu’en colère. Oui, elle est terrifiée. Terrifiée de ce qu’elle ressent par sa faute, terrifiée d’être si proche de lui et complètement à sa merci ; prête à s’abandonner à tout ce qu’il voudra. Frissons. Battements. Fièvre. Ses canines viennent agripper sa lèvre alors qu’il s’ose à se lover d’avantage contre elle, visiblement décidé à ne pas la laisser s’échapper encore une fois. Et il la repose encore, cette question. Cette maudite question qui n’est bonne qu’à rendre son regard noir larmoyant. “Est-ce que tu m’aimes, Giu ?” Cette fois, le visage de la concernée ne parvient pas à dissimuler ses sentiments. Aussi bien la colère que la peine, la peur que le désir subliment chacun de ses traits. Il lui ordonne de répondre, tandis que son souffle s’échoue dangereusement contre ses lèvres rouges, tremblotantes à souhait. Paralysée, hypnotisée, Giulietta ne sait plus quoi faire. Doit-elle réellement céder ? Tout lui dire ? Quand bien même elle le voudrait… sa gorge reste douloureusement nouée. « J’t’en prie… arrête ça… » Seuls ces mots sortent de façon suppliante, trahissant beaucoup trop son désir et ses sentiments pour lui. Son crâne se colle contre le métal alors que leurs regards ne se lâchent pas. “S’il te plaît” Finit par souffler Ren, d’un ton aussi langoureux qu'implorant. Et elle, pauvre petite chose au cœur bien trop gros, ne peut qu’abaisser les armes en sentant leurs lèvres sur le point de se frôler. Leurs souffles se mêlent, se confondent... tandis que sa petite mâchoire se redresse pour finalement lui céder. Stop. Ça suffit. Je n’en peux plus... Pense la belle en finissant par fermer les yeux, vaincue. Si elle ne peut le dire avec des mots, alors elle pourra toujours lui faire comprendre ainsi…

C’est à ce moment là que la voix de Kira et d’une autre professeur résonnent au loin, les coupant brusquement dans leur élan. Certainement pour vérifier que tout le monde est parti, elles entrent dans le vestiaire. L’angoisse monte d’un cran, foudroyante. Cet idiot se trouve exactement là où il ne le faut pas ! Sans même réfléchir et pour le protéger, Giulietta s’empresse de le pousser jusqu’à la première cabine de douche, allumant aussitôt l’eau sur eux avant de fermer la porte. « Comment ça, il y a encore quelqu’un à cette heure-ci ?? » Gronde la plus âgée des danseuses, tandis que Kira prend un joli air surpris. « Ah…Oui, désolée ! Je. Je me dépêche, promis !…  » S’écrie Giulietta à voix haute, couvrant la bouche du Choi de sa main pour l’empêcher de dire quoi que ce soit. Son cœur bat à la chamade, tant l’adrénaline peut être forte. Au même moment, Kira reconnaît le sac de Ren trônant au sol, près des affaires de la belle. « Ah mais c’est toi Giu ? T’inquiètes pas, prend ton temps ! Je te laisse les clés pour fermer le vestiaire d’accord ? Ne vous inquiétez pas Madame Kim, c’est une très gentille élève, on peut lui faire confiance ! Venez, allons voir si du coté des garçons tout est okay ! » Assure la japonaise en invitant rapidement sa supérieure à quitter l’endroit. « Bon et bien… » Marmonne cette dernière, un peu prise au dépourvue. « Vous saviez qu’elle et moi, on est de lointaines cousines ? Je ne parle pas l’italien en revanche, hahaha ! » What, Kira ? « Euh, non. Je l’ignorais…» Et finalement, toutes deux quittent le vestiaire. Au moment où la porte se referme au loin, Giu ne peut que lâcher un profond soupir en libérant doucement les lèvres de Ren de ses doigts. Instinctivement, son front se pose contre le haut de son torse, tandis que l’eau coule à flot sur eux. Elle ferme ses jolies paupières, prend quelques secondes pour récupérer. Quelque secondes pour réaliser où tous deux se trouvent à présent… jusqu’à que son visage se redresse vers le sien, de nouveau captivé par ses yeux. Elle se dépêche pourtant de  le lâcher, de reculer d'un pas et de le fuir du regard. Les joues rouges. Adorablement perdue. Pourquoi le protégerait-elle autant, si elle ne l'aimait pas à la folie...?

Les secondes s’étirent, suspendues dans le temps. Même si elle n’a rien dit, Ren le comprend : ce doit être ça, qu’elle a tenu secret depuis toutes les années, alors même qu’il était en train de sortir avec sa soeur. Carla. N’est-ce pas insensé, de se retrouver dans cette situation? N’est-ce pas moralement mal, que de vouloir Giu, plus qu’il n’a jamais voulu n’importe qui ? N’est-ce pas la preuve ultime, qu’il y a quelque chose qui ne marche pas bien chez lui ? Tant pis. Il ne peut plus retenir son corps tremblant, plus retenir son coeur battant. Tout en lui crie de l’avoir entre ses bras. Même si le mot amour lui fait peur, même si lui même, ne sait encore pas exactement ce qu’il sent à son égard… il sait que c’est fort. Violent. Destructeur, si jamais il en vient à être loin d’elle. Alors, n’est-ce pas là la réponse à sa question ? Ne devrait-il pas l’avoir pour lui, si jamais elle lui en donnait le droit ?

Il s’apprête à l’embrasser. Leurs lèvres se frôlent, si proches l’une de l’autre. Seulement, des voix les coupent, tous les deux, dans leur moment. Un temps de suspens. Ren n’est pas aussi rapide à réagir que Giu, et se laisse traîner sans rien comprendre jusqu’aux douches, sursautant lorsque l’eau, d’un coup, vient couler sur eux. Il continue de la regarder, bêtement. Alors que Giu semble se concentrer sur ce que racontent les professeures, Ren ne fait que la fixer. L’admirer. Un instant, sa poitrine se contracte d’émotion, face à cette beauté qui le prend de plein fouet. Oui. Comment a-t-il fait, pour essayer de la voir comme une petite fille ? C’est impossible. Il sait que quoi qu’il arrive… il lui sera impossible de retrouver sa petite Giu. La femme qui se tient devant lui fait frissonner jusqu’aux parties les plus intimes de son corps, et lui donne l’envie de la posséder comme tout homme le voudrait, face à la femme qui le rend faible.

Giu finit par retirer ses doigts… et il reste, là, silencieux, sans détourner le regard. Il l’accueille contre lui, l’aurait sûrement enlacée s’il n’était pas aussi perturbé, aussi peu maître de lui, aussi chamboulé par toutes ces émotions bataillant en son sein. Elle ne lui donne pas le temps de réagir, de la serrer, qu’elle s’est déjà reculé. Cette fois-ci, il parvient à bouger rapidement, attraper son bras avant qu’elle ne s’éloigne de trop, la ramenant violemment à lui, pour que leurs corps, sous l’eau toujours coulant, se rencontrent entièrement. Il s’accroche à ses lèvres, s’accroche à son regard, pour laisser un soupir lui échapper, venant loger sa main contre le creux de ses reins. Leurs vêtements, trempés, leur collent au corps. Il y a peu qu’il ne puisse deviner des formes de Giu contre lui, et ces sensations le font tanguer un peu plus. De sa main libre, Ren vient écarter quelques mèches humides, du visage de Giu. “Tu m’aimes.” finit-il par chuchoter, si proche de son visage que les bouts de leurs nez se frôlent. Oui. Elle l’aime. Comment pourrait-il en douter ? Il n’y a que comme ça que tout fait du sens. Que comme ça, aussi, qu’il peut donner à son coeur la possibilité de s’ouvrir, de vivre, d’agir comme il le veut depuis maintenant des semaines et peut-être même, depuis son retour. De sa joue, ses doigts glissent contre sa mâchoire, puis dans son cou, et viennent se refermer contre sa nuque. Il ne cesse de la regarder. C’est une étrange douceur qui teinte le fond de ses yeux, si paradoxale face à l’agitation de son corps, son impatience, la violence de ses émotions. ll observe un moment Giu comme le ferait un homme amoureux, sans même s’en rendre compte.

Il fond.

Les centimètres qui séparent leurs lèvres disparaissent sans hésitation. Ren vient inspirer contre elle, attraper sa bouche sans aucune hésitation, la torturer avec une passion dévastatrice. Son corps s’embrase. Comme si c’était possible, il tente de se rapprocher un peu plus d’elle, resserre son bras autour de sa taille, et la prise de ses doigts, contre l’arrière de sa tête. Ses paupières se plissent, ses sourcils se froncent, et il goûte le sucre de ses lèvres avec acharnement, s’arrêtant à peine pour prendre son souffle. Ses ongles, sans qu’il ne puissent l’en empêcher, rentrent dans sa peau, et il accueille chaque seconde de cette étreinte le coeur prêt à se jeter hors de sa poitrine, les membres frissonnants, et le corps étourdi. Il ne peut s’en empêcher, de soupirer, contre elle, et même, de laisser échapper une plainte rauque, témoin du plaisir affolant qui vient le prendre tout entier. S’il s’était laissé aller… il l’aurait dévêtue, là. Lui aurait fait l’amour contre les murs carrelés, aurait étouffé ses plaintes de baisers sans jamais lui donner de répit. Il se tient pourtant sage. Parce que c’est Giu. Parce qu’il la connaît, elle et son histoire. Parce que ce baiser là, rien que ça, semble le tuer un peu plus que chacune des étreintes plus intimes qu’il a connu avec d’autres. “Giu…” soupire-t-il contre ses lèvres, sans savoir comment il en est arrivé là, persuadé qu’il ne s’en échappera jamais. Giu… que m’as-tu fait ?

A peine se retire-t-elle qu’il vient aussitôt la chercher… la ramenant brusquement près de lui tout en l’emprisonnant dans ses bras. Le soufflé coupé par leurs corps s’entrechoquant, Giu ne peut qu’adresser un regard tout aussi envieux qu’apeuré au beau brun. Elle s’accroche à ses avants bras en tremblant, tandis que l’eau coule à flot sur eux, mouillant leurs corps ainsi que leurs vêtements. Que fait-il ? Pourquoi diable la rattrape-t-il ? Il ne le faut pas. Il ne le faut pas mais… Quand vas-tu enfin assumer, Giu, à quel point tu le veux… A quel point tu ne rêves que de ce ça, depuis tellement d’années… Lui fait remarquer sa conscience, enfin en accord avec son cœur vibrant. Ce cœur qui n’a d’yeux que pour lui, depuis le début. Pas une seule fois, il n’aura flanché pour un ou une autre. Pas une seule fois, il aura été infidèle à cet homme qui n’en avait pourtant aucunement idée. Peu importe la rancœur, la haine, la confusion… Elle n’aura jamais eu de cesse que de l’aimer. Complètement tétanisée en réalisant enfin cela, la jolie italienne se retrouve hypnotisée par le regard sombre de Ren, à sa merci. Ren qui la regarde comme il ne l’avait jamais fait auparavant. Ren qui ne cache aucunement l’admiration et le désir brulant qu’il semble ressentir pour elle. Et elle, pauvre petite chose complètement perdue, ne peut que le laisser s’approcher encore plus, rentrer brusquement dans sa bulle tout en la submergeant de sa lumière. Son cœur bat comme un fou tout contre le sien. Les lignes musclées de son torse écrasent les fines courbes de sa poitrine comme s’il souhaitait étouffer le moindre espace. Plus les secondes passent et plus le point de non retour semble être inévitable. Affolant. Diaboliquement souhaité. Et tandis qu’elle le supplie du regard de retrouver la raison, Ren lâche la bombe. Ren affirme à sa place ce qu’elle a lui a toujours caché, ce qu’elle a gardé pour elle pendant tant d’années. “Tu m’aimes.” Chuchote-t-il, bien distinctement. Avec une assurance et une certitude tout simplement affolante, à la limite de la faire s’évanouir entre ses bras. Sourcils joliment froncés, Giu ne peut que tuer amoureusement son ainé des yeux, les dents serrées. Ce même regard, malgré tout profond et dévoué, qui s’embrume aussitôt d’émotion. A la fois hors d’elle et terriblement reconnaissante, elle se perd sur ses lèvres, soupire lorsque le bout de leurs deux nez se confrontent doucement, ferme les yeux pour libérer une seule et unique larme. Oui, quoi qu’elle en dise, Giu est reconnaissante. Quand bien même elle le hait pour ce qu’il vient d’affirmer… Ren ne fait rien de plus qu’avouer les choses à sa place. Ren le dit pour elle, tout en la libérant enfin d’un poids ayant été bien lourd à porter pour de si petites épaules. Et c’est complètement fébrile qu’elle s’accroche à son T-shirt, qu’elle plante ses ongles tremblants contre son torse, alors que leurs souffles chauds se mêlent jusqu’au supplice.

Et enfin... Tout explose.

Il suffit d’une seconde. Une seule minuscule seconde pour que tous les volcans de son être entrent en éruption, lorsque leurs lèvres se confrontent enfin. Les lèvres de Ren… sur les siennes. Et un cœur qui explose, qui manque de sortir véritablement de sa poitrine tant la sensation est irréelle, cuisante.  Pas de mots pour le décrire. Juste une passion dévastatrice qui vient allumer son corps tout entier, tandis qu’il dérobe sans le savoir encore son tout premier baiser. Et si Giulietta n’ose pas bouger les premiers instants, elle ne peut que finir par répondre à chaque pressement de lèvres qu’il lui délivre en expirant fortement ; se laissant enfin apprivoisée par l’homme qu'elle a toujours voulu en secret. En même temps que ses sourcils froncés, ses paupières se plissent jusqu’à en avoir mal, comme si elle avait peur que de cet instant ne soit qu’une unième lubie de son imagination. Combien de fois a-t-elle rêvé de ce moment ? Combien de fois l’a-t-elle simplement imaginé, sans même oser penser qu’il serait aussi fort qu’à cet instant ? Complètement dévastée par ce fléau d’amour et de désir en elle, Giu entoure rageusement la nuque du Choi de ses bras pour l’embrasser jusqu’à en avoir le souffle coupé. Elle l’embrasse comme si elle avait fait ça tout sa vie, ne mesurant pas l’intensité exacte de cette étreinte. Cette dernière ne semble pas avoir de limite. C’est bien trop fort. Bien trop dangereux. Tenter de la définir, ce serait perdre tout semblant de raison. Ce serait tomber amoureux aussitôt, comme frappé par la foudre. Ses lippes fondent alors chaudement contre les siennes, pulpeuses à souhait. La plainte qu’il ose faire entendre la fait gémir tout autant contre sa bouche et elle se retient de le mordre, d’abimer la pulpe de ses lèvres, tant l’envie de le posséder peut être insoutenable.

“Giu…” Elle ouvre faiblement les prunelles en entendant son supplice. Ses cils papillonnent, sa respiration est chaotique. Il peut l’entendre, Ren. Il peut entendre et savourer cette instabilité grisante dans chacune de ses expirations. « C’était mon premier baiser, abruti… » Ne peut-elle s’empêcher de grogner, d’une voix cassée par le désir. Et il suffit que leurs prunelles noires et brillantes se confrontent à nouveau pour que d’elle-même, elle revienne capturer rageusement ses lèvres. Rougissante, adorablement affamée. Tant pis si ça la pousse à se dévoiler. Si ça l’oblige à baisser les armes. Tout en tenant le visage de Ren en coupe, ses ongles tendrement plantés dans ses joues, Giulietta retourne vite l’embrasser jusqu’à ce qu’ils en deviennent fou. Ici, rien de sage. Rien d’innocent. Juste une passion chaotique, qui la pousse à les faire pivoter pour que son propre dos rejoigne le mur carrelé. Tout en s’agrippant à ses cheveux noirs, elle vient lui mordre amoureusement la lèvre, la suçote avec gourmandise et dévotion. « Je te hais. » Assure-t-elle délicieusement dans un souffle, d'un ton prouvant exactement tout le contraire. Et sans même lui demander son avis, elle l’oblige à la lâcher un instant, à vite lever les bras pour qu’elle puisse lui retirer ce foutu T-shirt. Elle jette ce dernier au sol, avant de revenir dérober ses lèvres, poser ses mains contre sa peau, caresser son dos avec passion. Sentir son ventre contre le sien, leurs peaux nues… ne peut que la faire frémir bruyamment. « Je te hais tellement… » Susurre Giulietta tandis que ses lèvres descendent jusqu’à son cou pour offrir à ce dernier les baisers les plus fous et les plus langoureux, sans limite. « Ren… » Il n’aurait pas du. Il n’aurait pas du ouvrir cette boite de pandore. A présent, impossible pour elle de se retenir. Impossible de calmer cette frustration demeurant en elle depuis bien trop longtemps. En même temps que ses doigts envieux, sa langue et ses lèvres glissent jusqu’à son torse trempé, qu’elle couve tout autant d’amour que de passion. Diable, pourquoi sa peau est-elle si douce ?  Pourquoi son corps est-il si désirable ? Elle le dévore. Elle le mange tout cru… le dorlote fougueusement en lui apportant tout l’amour et la dévotion qu’il mérite... et que jamais personne ne semble avoir su lui apporter en vingt-trois années d’existence. Sans se retenir, Giu lui montre à quel point il brille, à quel point il est précieux et attirant à ses yeux.

Est-il vraiment ici, maintenant ? Est-ce que ce sont bien ses lèvres, qui se pressent si férocement, contre celles de Giu ? Est-il bien réel ce désir, atrocement tortueux, qu’il ressent à son égard ? Cette envie d’arracher ce qu’il lui reste de vêtements, et de ne faire qu’un avec elle ? N’est-ce pas mal, de n’avoir jamais désiré quelqu’un autant, que cette femme ? De chercher avec encore plus de passion et de faim ces croissants de chair, qu’il torture jusqu’à, sûrement, lui faire un peu mal ? Il tente de soupirer. De se raisonner. Mais son cerveau, à ce moment précis, semble s’être fait la malle. Son corps, lui, n’est que rempli de frissons plus agréables les uns que les autres. Il se sent mourir, là. Un feu dévastateur brûle au fond de son bas ventre, et il doit faire preuve de tout le contrôle dont il est possible, pour ne pas aller plus loin. Dieu. A-t-il jamais ressenti ces choses là avec autant d’intensité ? Même s’il ne sait pas ce que c’est exactement… il sait qu’il y a quelque chose de très particulier, mêlé à ce désir charnel. Quelque chose qui le pousse, justement, à se faire tant violence pour ne pas la brusquer. Quelque chose qui lui dit qu’il ne se lasserait aucunement, de la tenir éternellement dans ses bras. Non. C’est mal, c’est affreusement mal… mais alors, pourquoi est-ce si bon ?

Sa respiration est affolée. Les mots que Giu s’autorise à échapper, tournent dans sa tête sans faire de sens, tant il lui semble, comme un animal, tout entier concentré sur le fait de l’attirer à lui à nouveau. Heureusement, Giu revient. Giu s’empare de son visage, Giu s’empare de ses lèvres, Giu l’embrasse comme s’il était à elle… Et ne l’est-il pas ? Rien ne l’en empêche. Tout en lui le crie. Je suis à toi, Moon Giulietta crie son esprit, crie son coeur, crie son corps. La douleur, provoquée par ces ongles, à peine plantés dans sa peau, ne fait qu’augmenter son plaisir. Il est surpris. Il est conquis. La sauvagerie dont elle fait preuve, la passion qu’elle lui offre, est toute nouvelle. Aurait-il jamais imaginé ça de Giu ? De sa Giu ? Non. Et il aime à croire… il se le dit, peut-être à tort… que c’est parce que c’est lui. Parce que c’est lui, Ren. Et qu’elle n’aurait jamais embrassé quelqu’un de la façon dont elle l’embrasse, à ce moment là. Qu’elle aussi, se donne entièrement à lui, comme il le lui conjure secrètement. Et il est prêt : prêt à la prendre entièrement, prêt à la faire sienne, prêt à l’attacher à lui sans lui demander son avis, prêt à ne jamais la laisser partir. Cette envie, cette passion, lui font terriblement peur. A-t-il jamais autant ressenti, si fort, quoi que ce soit, dans sa vie ? N’est-ce pas la preuve, qu’il se donne au vice, joue avec le démon ?

Je te hais et cette phrase, irrémédiablement, attise un peu plus le feu dans son ventre. Ren sent même une certaine tension y grandir. Et il répond à son appellation, répond à son “Ren”, d’un “Giu…” tout aussi cassé, tout aussi essoufflé, tout aussi empli de désir. Sous le tissu de sa brassière trempée, il sent ses tétons qui le chatouillent, et qui lui donnent, à lui aussi, l’envie de la déshabiller. Pour se retenir, il la serre un peu plus fort, l’embrasse un peu plus violemment. Et tout autant que cette rage, c’est une certaine émotion, qui vient lui prendre la gorge. Qui l’étouffe. L’impression que quelqu’un le veut, réellement. Tout entier. Contre le dos de Giu, ses ongles viennent laisser leur trace. Le visage de Ren, sous les baisers que Giu finit par offrir à son torse, se penche en arrière, laissant ressortir sa pomme d’Adam. Il plisse les yeux. Sa poitrine se soulève, comme s’il avait dansé des heures. Arrête ça, Giu, arrête… lance-t-il intérieurement, comme une supplication. Il se sent partir. Ren finit par passer les bras en dessous des cuisses de Giu pour la soulever, appuyant son dos contre la paroi de la douche. L’eau, sans cesse, goutte de ses cheveux, de son visage, et il s’arrête, un instant, pour lever le menton, la fixer. Accroché à son regard. Accroché à son visage. Accroché à elle, irrémédiablement. Et il vient embrasser son menton, le mordiller, remonter le long de son visage, tirer sur ses lèvres si charnues. “Il faut que…” commence-t-il avant de venir s’étouffer contre son cou, contre ses clavicules, contre le haut de sa poitrine, si délicatement soulevé. “Arrête ça…” lui ordonne-t-il dans un souffle désordonné, alors même qu’il est celui à l’embrasser, sans prendre une seconde de pause. “Arrête, ça, Giu…” ajoute-t-il entre deux baisers, secouant la tête. Ses dents viennent s’enfoncer dans son épaule, et il vient couvrir de baisers, finalement, la marque rouge qu’il y a laissé. “Moi aussi, je te hais, avec passion….” finit-il par avouer dans un soupir en relevant le visage pour la fixer. Le visage tordu d’émotion. De désir. Prêt à se noyer tout entier.