Il n’avait pas réussi à s’endormir. Son coeur, la nuit dernière, n’avait pas réussi à se calmer. L’attente, interminable, de quelques mots… puis, le doute, l’incertitude, face au silence. Avait-t-il été trop loin ? Trop direct ? Le trouvait-t-elle peut-être pathétique, à courir comme ça derrière une femme lui signalant son manque d’intérêt si clairement ? Mais alors pourquoi… tous ces signaux, si contradictoires ? Ce qu’elle lui avait répondu… c’est dangereux. Est-ce que ça le serait vraiment, si elle ne ressentait rien à son égard ? Il avait grignoté les heures en surfant, observant les photos, sur son compte instagram, et même les siennes, sur le sien. Pourquoi n’y avait-il aucun clichés d’eux ensemble, s’ils étaient si proches ? Rien ne faisait de sens. Plus il tentait d’y penser… et plus les choses s’emmêlaient. Il avait fini par abandonner quand, vite, les premiers rayons du soleil s’étaient immiscé entre les rideaux. Déjà, s’était-il dit, avec une envie de rester là, au lit. Puis, le fait qu’il verrait Erin en chair et en os avait fini par le sortir de sa stupeur. Une certaine angoisse, serrant sa gorge, tendant le fond de son ventre. Depuis quand, lui, Kwon Jisoo, se retrouvait si bête et impressionné devant une femme?

Il est venu en moto, les doigts serrés contre le guidon jusqu’à s’en faire mal. Une certaine peur. Ses pas, jusqu’à l’intérieur de la galerie, lui paraissent nettement désaccordés. L’impression que quiconque pourrait voir cette impression étrange sur son visage… mais rien. Une salutation de Ren, avec qui il entretient, étrangement, depuis le cinéma, une relation beaucoup plus sereine... et un petit pincement de manque, en remarquant l’absence de Max. Erin avait dû l’obliger à arrêter de venir… fait avec lequel Jisoo est bien évidemment d’accord mais… le vide se fait ressentir. Quand elle est absente, l’air paraît soudainement moins gai. Et il se change, se pose, las, derrière le comptoir, avant de commencer à mettre en place les pâtisseries, préparer les machines, préparer l’ouverture. Lorsqu’Erin finit par faire une apparition dans le café, son regard lui paraît fuyant, et il n’arrive pas à lui décrocher un mot avant qu’elle ne se soit envolée à nouveau. A-t-il tout gâché ? A-t-il, de ses mots irréfléchis, effacé tout le progrès qu’il avait pu faire depuis le retour d’Erin de son voyage en Angleterre ? Ren remarque la tristesse sur son visage. Il semble s’apprêter, un instant, à lui adresser une remarque, avant de se taire.

La journée se déroule. Les sourires qu’il adresse aux clientes ne sont pas aussi grands que d’habitude, et il ne parvient pas à se détacher de cette petite bête, qui susurre à son oreille. Il vérifie son portable, fréquemment. Peut-être aurait-elle pu répondre, depuis. Se moquer de lui. Dire quoi que ce soit pour briser cette glace. Il n’en a rien à faire, au final, qu’elle ne cède pas à son charme, ça l’amuse même plus ainsi… mais il craint de la mettre mal à l’aise, de la faire fuire par son insistance.

Lorsque finalement l’heure de fermeture sonne, Jisoo retire son tablier, en poussant un long soupir. Prêt à s’avacher contre le comptoir, il capte du regard, pourtant, une Erin qui passe, et qu’il voit par l’ouverture qui relie le café à la galerie. Ayant peur qu’elle ne tente de s’échapper, Jisoo fait le tour du comptoir et se rue jusqu’à l’entrée, attrape son poignet avant qu’elle aille. “Attends” lui lance-t-il, avant de laisser un silence, bête, s'égrener. Il faut un prétexte, vite. “Il faudra engager une nouvelle serveuse.” finit-il par lancer, en gardant toujours ses doigts contre son bras. “C’est trop de boulot pour deux hommes comme nous, et puis on va perdre toute la clientèle masculine avec tant de testostérone…” lance-t-il en esquissant un sourire, tentant de paraître léger, inaffecté. Oui. Il vaut mieux ça, cacher sa gêne, et faire comme si de rien n’était. Après tout, tout est pareil qu’hier, non ? “Tu me fuis ?” finit-il par demander, précisant “je n’ai pas eu droit à mon regard meurtrier du jour. tu sais que c’est dur pour moi d’être efficace sans même ce minimum…” et il ne desserre pas les doigts, au contraire. Est-ce que ce n’est pas mieux de se jeter à l’eau ? Elle n’aura qu’à dire non. Il aura au moins essayé. “tu veux venir chez moi ? j’ai… redécoré le coin télé. et j’ai acheté tout un tas de dvd.” souffle-t-il en espérant ne pas paraître trop demandeur… désespéré, peut-être. Mais ne l’est-il pas ? C’est une angoisse toute particulière qui le prend en imaginant l’idée qu’Erin, d’un seul coup, disparaisse de sa vie. Pas de logique, pas de raison… juste une évidence, imprimée dans son coeur.

Elle n’avait pas pu fermer l’œil de la nuit. Le cœur battant, perdu, fou. Des sentiments bien trop forts, bien trop prenants… tentant du mieux que possible de chasser cette sensation ultime de culpabilité. Comment doit-elle faire ? Comment diable doit-elle faire pour lui résister, alors qu’elle l’aime si fort ? Je n’y arrive plus… Se dit Erin en serrant fort l’ancien oreiller de Jisoo contre sa poitrine, plongeant le bout de son nez dedans. Ses sourcils se froncent de supplice tandis qu’elle garde les yeux fermés un long moment, savourant et subissant chaque seconde qui passe. Il lui manque. Tellement. Elle a beau faire de son mieux pour rester neutre, pour feindre l’ignorance… De qui se moque-t-elle au juste ? Sa place n’est pas ici, dans ce lit si vide et si froid. Elle est avec lui. Dans leur appartement. Dans leur lit à tous les deux. Combien de temps encore allait-elle devoir subir ça ? Combien de temps encore allait-elle devoir lui cacher la vérité ? Toute la bande avait beau faire de son mieux pour la ménager, pour lui dire de garder patience, de ne pas perdre espoir… L’anglaise y arrivait de moins en moins. En tout cas, à l’éviter. Plus les jours passaient et plus le mur s’effritait dangereusement. Elle ne veut pas le perdre. Elle ne veut le voir se rapprocher de quelqu’un d’autre. Sans doute se trouve-t-elle bien égoïste en pensant une telle chose. Seulement, la simple idée de le voir sourire à une autre fille, de l’imaginer parvenir à amener une autre femme qu’elle dans leur appartement… ça la tue. Ca la fait hurler de l’intérieur, sans qu’aucun son pourtant ne s’échappe. Elle n’y arrive pas, Erin. Elle n’arrive plus à supporter cette distance, cette comédie. Comment peut-elle arriver à le retenir si elle ne lui montre pas un minimum d’intérêt et d’affection ? Elle n’a pas le droit. Elle n’a pas le droit de le faire autant tourner en bourrique. Quand bien même tout le monde sait à quel point Jisoo adore ça… tôt ou tard, cela finira forcément par le faire souffrir. Et même si c’est pour son bien selon l’avis de tous – et plus particulièrement de ces foutus médecins - … Continuer de lui mentir devient de plus en plus insupportable pour elle. De plus en plus douloureux. Coincée entre le cœur et la raison, la belle peine à reprendre son souffle. Elle peine à rester aussi éloignée de lui.

Pourtant c’est ce qu’elle fait encore, durant cette nouvelle journée de travail. Feignant d’être trop occupée, trop concentrée ailleurs, Erin fuit encore et toujours l’amour de sa vie. Sans doute même plus que d’habitude. Que doit-il penser, hein ? Sans doute qu’elle est folle. Sans doute qu’elle ne sait pas où elle a mal. Peut-être même en vient-il à se dire qu’elle a simplement envie de le torturer par pur plaisir. Si seulement il savait. Si seulement il savait à quel point elle ne rêve que de lui. Que de simplement être à ses cotés, de pouvoir ragoûter à ses lèvres qui lui manquent tant. Seulement, encore une fois, la triste réalité la rattrape. Arrêtes. Ce n’est plus ton Jisoo. Lui rappelle sa foutue conscience, comme toujours. Quand bien même ce Jisoo-là devient de plus en plus doux et attachant, il n’est pas celui avec qui elle a vécu cette histoire d’amour passionnelle et puissante. Il ne sait rien de tout ça. Peut être qu’il ne s’en souviendra d’ailleurs jamais. Alors quoi, doit-elle tourner la page ? Doit-elle, elle aussi, tout  oublier ? Elle n’y arrive pas. Mais, malgré tout… J’ai envie d’être avec lui ce soir. Peut-on réellement m’en vouloir pour ça ? Pense-t-elle alors que son regard observe depuis déjà une longue minute le sac d’affaire qu’elle a préparé pour passer sa soirée aux cotés du kwon. Si personne ne sait alors… tout ira bien, non ? Il n’y aura qu’elle pour se juger.

Qu’elle pour se blâmer.

Son cœur rate un battement en se faisant arrêter en plein élan par le principal concerné. Le simple fait de sentir ses doigts autour de son bras réchauffe son cœur tout autant qu’il le crucifie. Erin ose à peine répondre à son regard. Heureuse. Malheureuse. Totalement perdue. Face au prétexte qu’il utilise pour avoir enfin son attention, ses yeux finissent cependant par rencontrer les siens. Idiot. Je sais que ce n’est pas seulement pour ça que tu me parles. Pense-t-elle affectueusement, le cœur gonflé d’amour. Elle le connaît bien trop. Jouant malgré tout le jeu, la belle anglaise se contente d’annoncer, dans un murmure calme « Je sais. Je suis vraiment désolée pour ça d'ailleurs... Gigi m’a proposé une amie à elle. Elle fera un essai ce weekend. » Comme ça, Ren et lui n’auront qu’à lui dire si cela les satisfait. « En attendant, je resterai avec vous pour vous aider. Et non, je ne veux aucun commentaire sur le sujet. » Ajoute-t-elle d’une petite voix penaude. Elle sait bien qu’elle travaille trop. Mais en tant que capitaine du navire, hors de question de laisser l’équipage en difficulté. “Tu me fuis ?” Cette simple question suffit à Erin pour détourner son regard de lui et secouer doucement la tête. Elle a beau dire non, elle prouve pourtant tout le contraire. Se trouvant bien stupide sur le coup, la belle finit par soupirer. « Peut être un peu. » Avoue-t-elle timidement, désolée de ce comportement bien trop énigmatique dont elle fait preuve. « Mais ce n’est pas ta faute. » Tient-elle tout de même à assurer d’une voix douce, revenant alors le regarder dans les yeux. Sans doute un peu trop tendrement, malgré les efforts. Il suffit d’une seconde à ses cotés pour que toutes ses sages tentatives de distances meurent grotesquement.

Peut être que c’est bête. Bête et déraisonnable. Mais le simple fait qu’il ose lui faire la proposition de venir comble férocement son cœur meurtri. L’eurasienne ne peut que regarder le Kwon, joliment surprise. Joliment touchée. Alors, malgré tout… il veut bien d’elle ce soir ? Dieu. Pourquoi n’est-il pas en colère ? Pourquoi ne lui dit-il pas qu’elle agit mal avec lui ? Oui, c’est sûr. Pas de logique. Pas de raison. Aussi bien pour elle que pour lui. « Des DVD tu dis… » Murmure-t-elle comme une enfant timidement appâtée. Erin se mord la lèvre. Doit-elle le dire ? L’avouer ? Elle lui doit bien ça. « Mon sac est déjà prêt » Annonce-t-elle alors, contre toute attente. Ainsi, elle lui montre qu’elle ne l’a pas oublié, qu’elle veut bien passer la soirée avec lui. Et même, s’il le veut toujours, dormi aussi chez lui. « Tu m’attends ? Je vais aller le chercher. » Annonce-t-elle finalement, en se rendant à l’étage. Et une fois que tout le monde est parti, une fois que toutes les lumières sont éteintes, elle finit par le rejoindre devant l’entrée de la galerie qu’elle ferme derrière eux. En voyant la moto garée sur le trottoir, sa poitrine se gonfle malgré elle de joie. Tout en tirant timidement sur la veste de Jisoo pour le stopper à son tour dans son élan, Erin baisse la tête. « Est-ce que… j’ai le droit de faire un caprice ? » Questionne-t-elle en relevant son beau regard en sa direction. Sa menotte tient toujours le cuir entre ses doigts. « Tu veux bien prendre un chemin un peu plus long pour rentrer chez toi ? » Parce qu'elle a toujours adoré ça. Sa moto. Etre derrière lui. Ses bras autour de sa taille. Contre son dos. Fermer les yeux et ne penser qu'à eux. Après, elle restera sage. Promis.

Les réponses d’Erin font toujours aussi peu de sens. Il hésite, entre se creuser la tête pour y comprendre quelque chose, lui poser d’autres questions, ou juste abandonner. Jisoo finit par choisir la dernière option, trop craintif à l’idée de gâcher la situation à nouveau. Le fait qu’elle lui réponde, déjà, même de cette petite voix qui ne manque jamais de créer des frissons au creux de ses tympans, est assez bien. Leurs regards se posent l’un dans l’autre. Il ne saurait en lire la lueur. Plusieurs émotions semblent batailler, et il faudrait véritablement être dans sa tête pour les nommer. Malheureusement, sa curiosité ne fait que grandir. L’envie d’accéder au moins à un pan de cette machine semblant tourner à pleine puissance, dans la petite caboche de Hyun Erin. Peut-être un jour. Peut-être même ce soir, si les choses se passent bien.

Il ne la sent pas totalement réticente. Pas de mention de leurs SMS de la veille… en vérité, il semblerait, dans leur échange, qu’ils ne se soient même pas envoyés. Il la sent. Son envie, malgré tout. Et quelque chose, qui l’en empêche. A-t-elle peur, de lui ? Est-ce que c’est parce qu’elle le connaît justement trop bien, qu’elle hésite ? Toute fille censée dirait non à l’opportunité de se retrouver en tête à tête avec lui. Parce que sa réputation, en tout cas il y a plus d’un an, n’était que ça : quelqu’un qui ne perdrait pas une seconde à profiter d’une situation pareille, joueur avant de laisser tomber. Là pourtant ne sont pas ses intentions avec Erin… l’idée de lui faire du mal, même sans le vouloir, lui est déjà trop insupportable. Il n’y a qu’à voir avec quelle force ses entrailles se resserrent à chaque fois qu’elle semble éviter son regard, peinée. Non. Le jeu auquel il se prête, il ne compte pas l’emmener trop loin.

« Mon sac est déjà prêt » Oh ?, et Jisoo penche la tête sur le côté, légèrement, sans retenir l’air surpris (et moyennement bête) venant lui prendre le visage. Le sourire finit par percer. Moins hésitant, moins convenu, beaucoup plus sincère. Une certaine chaleur vient l’habiter à l’idée qu’Erin, contre toute attente, se soit réveillée ce matin avec l’intention de venir chez lui le soir même. A-t-elle pensé à lui, en préparant ce sac ? Et quel genre de pensées ont trottiné au creux de sa tête ? « Tu m’attends ?” Il acquiesce, silencieusement… fourre ses mains dans ses poches en retenant, à moitié, le sourire réjoui qui plisse ses traits. Jisoo s’occupe de ce qu’il reste de la fermeture du café, et sort devant la galerie pour attendre la jeune femme.

Le temps se refroidit. Bientôt, leurs respirations, sûrement, se transformeront en des nuages de buée. Jisoo aime bien l’automne… non. Sûrement que l’automne est sa saison préférée. Tu es sûr ? lui demande une petite voix. Quelque chose, tout autant, l’attire vers l’hiver. Une sensation de chaleur qu’il ne saurait s’expliquer. A-t-il pourtant jamais passé une bonne fin d’année ? Pas dont il se souvienne. Même un Noël normal, en famille… il ne connaît pas.

L’arrivée d’Erin le coupe dans ses pensées, et il se retourne vers elle en lui adressant un sourire. Allant en direction de la moto, ce n’est que la petite menotte de la jeune femme qui l’arrête dans son voyage. Il baisse le menton, interrogateur, avant de venir rencontrer son regard. « Est-ce que… j’ai le droit de faire un caprice ? » Le silence qu’il lui offre fait office de oui. Jisoo est curieux. Surtout qu’il ne se serait jamais imaginé entendre une seule fois le mot caprice, dans la bouche d’Erin. Le fait qu’elle lui demande à lui… ne peut l’empêcher, une nouvelle fois, de se sentir un peu spécial. Peut-être illusoire, mais agréable pour autant. Et face à sa demande, il ne peut que sourire un peu plus grand, acquiescer, une nouvelle fois. Un instant, il tente de trouver une remarque à faire, humoristique, lourde, mais il finit par s’en dissuader. Il n’a pas envie qu’Erin pense qu’il se moque… au contraire. Sa demande le touche plus qu’il ne l’aurait voulu.

Jisoo vient lui enfiler son casque sur la tête, avant de mettre le sien et de chevaucher la moto. On démarre le moteur, et on attend sagement, que la princesse vienne prendre place sur son fidèle destrier. Les mains, qu’Erin finit par enrouler autour de sa taille, le font soupirer. Sous les néons et les lumières de Seoul en début de nuit, Jisoo s’engage dans les rues, en tentant de ne pas se laisser trop distraire, par Erin contre son dos. Fidèlement à sa demande, Jisoo fait un détour qui allonge leur trajet, et une heure se passe bien avant qu’il ne se gare au pied de son immeuble, enlevant son casque avant de pousser un soupir. “Satisfaite ?” vient-il demander en tournant le visage en direction d’Erin, lui adressant un beau sourire, avant de la laisser descendre et de garer correctement sa moto. Il s’étire. L’air frais de la soirée est agréable, et il plisse les yeux de joie, tout en étirant ses muscles. “Tu viens ?” finit-il par lancer en se penchant pour attraper la main d’Erin dans la sienne, et la tirer jusqu’à l’intérieur du bâtiment. ça aussi… reste un éternel mystère. Il ne s’était jamais vu comme quelqu’un prenant racine dans un bâtiment à l’allure si ancienne. Peut-être voulait-il être proche de Max, et Junho, habitant de l’autre côté du couloir. Même l’ascenseur, en y entrant, grince un peu… et un instant, Jisoo se dit que ce serait un beau coup du hasard, qu’il finisse par se bloquer lorsqu’ils sont dedans. Malheureusement, le voyage se déroule tout à fait bien, et ils arrivent à leur étage sans soucis. Jisoo ne lâche la main d’Erin que pour ouvrir la porte, et s’engouffrer à l’intérieur de l’appartement. Joueur, il se retourne vers elle et lui lance, avec un sourire, “Welcome home ~” Il n’a pas menti sur la nouvelle décoration : le coin salon se voit affutré d’un tas de nouveaux coussins, plaids, bougies. Un endroit tout à fait cozy, qui ne lui ressemble pas beaucoup. A part… “Regarde ça” lance-t-il d’un sourire rieur, en venant prendre entre ses bras un coussin affublé d’un gros plan de sa tête. “Je te l’offre si tu veux. Je pense à ouvrir un stand merchandising au café. La prochaine commande ce sont les torse nu ~” et il lance quand même un autre coussin, en direction d’Erin. Celui-ci est orné de la tête de la Hyun. “pour qu’on soit assorti” marmonne-t-il en détournant quand même le regard, histoire de.

Il cède à sa demande sans lui poser la moindre question ou émettre la moindre remarque. Le connaissant, il aurait très bien pu la taquiner à outrance, l’embêter rien que pour se recevoir une tape. Erin ne peut que le remercier intérieurement pour cela, tandis que ses bras viennent délicatement entourer sa taille. Le simple fait de pouvoir l’enlacer ainsi, même innocemment, lui fait tourner la tête et chavirer le cœur. Alors que Jisoo démarre, elle ferme les yeux, pose le coté de sa tête contre son dos. Les secondes défilent, les minutes passent. Sans même pouvoir s’en rendre réellement compte, ils roulent pendant au moins une heure. Une heure de silence et de lumière, sous le clair de lune commençant à éclairer les rues de Séoul. Elle le serre. Tendrement. Affectueusement. Sans émettre la moindre gêne quant au fait que son corps soit si proche du sien. Parce que là, au moins, elle a le droit. On ne pourra pas lui en vouloir de s’accrocher à lui, aux vues du contexte. Tout en soupirant à travers son casque fermé, ses yeux s’ouvrent à peine pour admirer les néons dansant sur l’eau de ce lac qui symbolise leur amour. Les battements accélèrent, la mélancolie la prend à la gorge. Combien de virées nocturnes ont-ils fait pour chasser les insomnies du kwon ? Combien de balades, de week-ends improvisés ont-ils passé ensemble sur cette moto ? Elle aimerait tant retrouver ces beaux jours...

Elle réalise leur arrivée à destination seulement lorsque la moto s’arrête. Le sourire lumineux que Jisoo lui offre après coup la prend de court et de façon dévastatrice. Alors que sa poitrine se gonfle douloureusement de chaleur, Erin se mord la lèvre, sans pouvoir s’en empêcher. Diable. Pourquoi s’ose-t-il à lui sourire ainsi ? Elle les connaît par cœur, ses esquisses. Celle qu’il vient de lui donner n'avait vraiment rien de banal. Avant, ce sourire n’existait rien que pour elle. Était-ce toujours le cas aujourd’hui… ? « Yep… Thanks. » Se contente-t-elle de marmonner en quittant vite son visage des yeux, de peur que son petit cœur explose. Et malgré toutes ses bonnes volontés, le pauvre muscle succombe lorsque le kwon vient saisir sa main et marche à ses cotés ainsi, comme si c’était parfaitement naturel. Sans oser répondre à l’étreinte de ses doigts, c’est une Erin adorablement prise au dépourvue qui se laisse malgré tout embarquer sans rechigner. Sa frimousse penaude ne peut que prendre un air légèrement surpris en découvrant la fameuse nouvelle structure du salon. Tout ce qu’elle aime est réuni dans cette pièce. Tout ce dont elle raffole, qui la pousserait à passer des heures entières allongée dans le canapé sans plus jamais se soucier du reste du monde. Elle n’a cependant pas le temps de le complimenter pour sa déco. Prise de court devant le coussin qu’il lui montre, la belle ne peut que prendre un air septique. Un pouffement moqueur lui échappe malgré elle. Quel idiot. « Donne-le moi, oui. Je ferai fuir les oiseaux qui squattent ma fenêtre avec. » Rétorque-t-elle sans laisser la moindre expression rieuse s’afficher sur sa bouille, comme si elle était vraiment sérieuse. « Aish… » Marmonne-t-elle ensuite, une fois son propre oreiller entre les mains. Assortis… ? Observant l’objet et le kwon a tour de rôle, elle ne résiste pas à le lui renvoyer ; à la différence de lui en pleine tête. « You're worst than your cousin, stoopid boy~. » Indique-t-elle avant de naturellement prendre ses aises et quitter le salon.  « C’est moi qui cuisine ce soir. » Annonce-t-elle sans visiblement lui laisser le choix.

Son cœur ne peut que bondir de joie et d’amour lorsque Sue vient aussitôt à sa rencontre, une fois arrivée dans la pièce. « Sweetheart...» Chuchote-t-elle tout bas pour ne pas se faire entendre, prenant la petite chatte dans ses bras pour câliner son pelage noir. La boule de poil miaule et ronronne comme pas possible, manquant presque de lui baver dessus. Riant devant tant d’affection, Erin vient déposer un petit bisou sur le museau humide de Sue et finit par la reposer par terre. Elle en profite pour lui donner à manger d’abord, bien trop heureuse de retrouver son rôle de maman humaine. Après s’être ensuite attaché les cheveux puis lavé les mains, son regard observe la cuisine durant quelques secondes. Dieu. Comme ça lui avait manqué. Même si son départ n’en sera que plus douloureux demain, elle pouvait retrouver son petit royaume pendant un court instant. Sans plus attendre, la belle se met à la tâche. En remarquant la présence de Jisoo dans la pièce, un semblant de sourire vient étirer ses lèvres rouges. « Risotto aux champignons… ça te va ? » Demande-t-elle tandis qu’elle trouve sans aucun mal tout ce dont elle a besoin, ingrédients comme ustensiles. C’était comme si elle connaissait mieux sa propre cuisine que lui. Comme si elle était médium. Si seulement il savait...

En plein dans le mille. Un rire lui échappe, et Jisoo vient reposer le coussin sur le canapé, bien trop heureux de cette nouvelle dynamique. Un peu masochiste ? Sûrement…. mais dieu ce qu’il aime lorsqu’Erin répond à ses idioties par tant de dureté. Peut-être ira-t-il l’amener lui même jusqu’à la galerie, le posera l’air de rien sur son lit avant de s’en aller. Aurait-elle vraiment le coeur de l’y enlever ? Il se régale de l’appellation dont elle l’affuble lorsqu’elle semble de bonne humeur, ce stoopid boy qui lui donnerait envie de se venger de manière aussi démoniaque que plaisante… avant que la jeune femme ne décide de s’en aller. “Hé.. tu vas où…” marmonne-t-il avant qu’elle ne lui indique son plan : faire la cuisine. “Ya pas besoin tu sais…” ne peut-il s’empêcher de préciser. C’est vrai… il n’y a pas besoin. Ils pourraient commander, ou Jisoo, lui, pourrait faire à manger. Tout sauf avouer que l’idée qu’Erin cuisine pour lui, dans son appartement… le remplit d’une joie honteuse. C’est bête. Ce n’est pas si exceptionnel que ça et pourtant… l’eau lui vient à la bouche, rien que de pouvoir goûter à ses plats à nouveau. “je me demande parfois si tu y mets des trucs louches…” marmonne-t-il en se rapprochant, gardant encore un peu de distance entre leurs deux corps “tu es une sorcière, non ? il suffit que quelques herbes par ci, et par là… attends… est-ce que c’est ça que tu m’as fait ingérer ? un filtre d’amour ?” lance-t-il avec humour, se rapprochant un peu plus pour pouvoir regarder, par dessus son épaule, à quoi elle s’affaire.

Profitant d’un moment de silence, Jisoo tourne le regard vers Sue qui, sage, les regarde tous les deux dans le coin de la pièce. “C’est bizarre à quel point elle t’aime…” ne peut-il s’empêcher de remarquer. Parce que malgré tout, la petite chatte est très difficile. ça lui fait un peu mal à l’égo, oui, que quelqu’un d’autre ait son admiration… Mais il faut dire aussi qu’il trouve ça logique. Sue. Un petit bout de lui. Pourquoi n’apprécierait-elle pas Erin autant que lui ? “peut-être que tu trainais beaucoup dans cet appartement, avant…” continue-t-il en se baissant pour venir prendre le chat dans ses bras. “c’est vrai. on dit aux gens de faire comme chez eux, mais c’est bizarre… tu as l’air à l’aise. rien que là. comment tu sais où tout se trouve ?” demande-t-il absentément, occupé à gratouiller le menton de la petite chatte. Ce n’est pas une réelle question, et il ne se triture pas tant l’esprit. Non. Parce qu’à cet instant, les sentiments de paix prennent le pas sur quoi que ce soit d’autre. Il n’a pas envie de gâcher l’ambiance à poser des questions trop intrusives. Et alors que Sue en profite pour s’échapper et venir sur l’épaule d’Erin, Jisoo en profite pour se rapprocher un peu plus de son dos, jusqu’à ce que son souffle, chaud, puisse venir caresser la peau de son cou. Son bas ventre se tend. Ses poils se hérissent. “ça ne va pas prendre trop longtemps, à cuire ?...” demande-t-il comme s’il ne savait pas. Après tout, il en a fait des risotto dans sa vie… “c’est que… je ne suis pas très patient. j’ai envie qu’on aille sur le canapé, qu’on se fasse des câlins, que tu baves sur mon épaule, tout ça compte un peu plus que mon estomac qui grogne…” marmonne-t-il de sa voix grave près de son oreille, avant de venir poser sa main sur celle d’Erin, affairée à cuisiner. Il retient sa respiration. Sur quelques millimètres seulement, il caresse ses doigts, avant de laisser sa paume, immobile, contre le dos de sa main. Si petite au milieu de la sienne. “Pourquoi est-ce que tu me fuis, même chez moi ?...”

Un filtre d’amour ? Quelle idée saugrenue. Ce n’était pas comme si elle en avait eu besoin, par le passé… « Tu as une imagination débordante. » Se contente-t-elle de soupirer d’une voix absente, déjà trop occupée à câliner son bébé d’amour ronronnant entre ses bras. Sans doute un peu trop. Sans doute trop naturellement. Tout comme le fait de vite reprendre ses aises dans cette pièce qu’elle connaît parfaitement par cœur. Face à ses remarques pourtant lancées de façon légère, le ventre d’Erin se serre d’angoisse. Même si rien ne se voit sur son visage, la peur d’en avoir trop montré la fait quelque peu ralentir. La cadence de ses gestes se calme. Elle ne répond rien. Que lui répondrait-elle de toute façon ? Que oui, elle trainait beaucoup dans cet appartement avant... tout simplement parce que c’était aussi le sien ? Que cette cuisine a été témoin de milliers de scènes entre eux deux ? De leurs fous rires, de leurs batailles de farine, de leurs étreintes redoutablement pressantes, osées et langoureuses… ? Non, la belle ne peut rien lui dire. Rien lui raconter. Comme piégée dans une cage hermétique, aucun son ne semble pouvoir passer. Par peur cependant que le silence en dise également trop et que l’ambiance devienne tout à coup bizarre, Erin tente de blaguer, du mieux que possible. « Je suis venue plein de fois la nuit pendant que tu dormais. » Ou comment empirer l’image déjà si funeste et lugubre qu’on lui donne encore. Mais après tout, ne fait-elle pas un super fantôme, hm ? « J’ai beaucoup apprécié ton cri de jeune fille d’ailleurs. » Renchérit-elle un peu pour le plaisir quand même, adorant malgré tout le faire tourner en bourrique. L’embêter lui ainsi que son image de casanova viril et pénétrant. Après tout ça aussi, elle a le droit, non… ? Elle est la meilleure pour le faire…

Prenant une moue agréablement étonnée de sentir Sue sur ses épaules, Erin retient ensuite difficilement sa respiration face à la présence tout à coup proche de Jisoo derrière elle. Son souffle chaud contre la peau de son cou, ce qu’il lui murmure à l’oreille… Toutes ces choses font frissonner tout son corps intérieurement. Se mettant droite comme un i, troublée malgré elle, la belle se retrouve sans le vouloir joliment figée, tétanisée. Son cœur bat à la chamade tandis qu’elle déglutit difficilement. Pourquoi fait-il ça… Pourquoi lui dit-il tout ça… Il… Il n’est pas censé le faire. Pourquoi agit-il comme s’il était encore le Jisoo d’avant, comme s’il était réellement et à nouveau son petit ami ? Alors qu’elle s’apprête à le repousser doucement, la main du kwon vient sans prévenir se poser sur la sienne. Papillonnant fébrilement des cils, Erin se mord la lèvre discrètement. Pourquoi hein ? Sa question la ferait presque rire, si la tension et la douceur n’étaient pas si fortes. D’après lui, pourquoi ? Etait-il aveugle ? Ne voyait-il pas l’effet qu’il lui faisait… ? « Je… ne te fuis pas. » Peine-t-elle à dire, dans un murmure mal assuré. Un bien trop joli mensonge impossible à cacher. « J’ai juste envie de te faire plaisir en cuisinant quelque chose pour toi ce soir… » Finit-elle par souffler, alors qu’inévitablement, ses petits doigts sous sa main finissent par fébrilement venir chercher les siens. Sans qu’elle ne le regarde. Sans qu’elle ne montre quoi que ce soit. Le geste ici en dira plus que les mots ou que toute autre chose. Dans un naturel beaucoup trop bon et prenant, ses phalanges entrelacent avec délicatesse et lenteur les siennes, progressivement. « Idiot… » Peste-t-elle d’une voix à la fois chagrinée et tendre, lâchant un douloureux soupir d’envie et de peur.

« Je… ne te fuis pas. » Son ton va à l’encontre de ses mots. Et encore une fois, Jisoo s’étonne. Pourquoi agit-elle comme ça ? Si elle avait été quelqu’un d’autre… il aurait pensé que ce n’était qu’un jeu, pour le rendre fou. Le malmener pour qu’il devienne encore plus accro à elle et lui tombe dans les bras. Mais c’est Erin, et il ne l’imagine pas faire ça, en tout cas, pas dans ces circonstances là. A-t-elle peur, de lui ? De ce qu’il pourrait lui faire ? A-t-elle peur qu’il la blesse ?... Comment pourrait-il lui en vouloir ? Ce Jisoo là, n’a aucun souvenir d’avoir jamais été bon pour quelqu’un. Même s’il ne s’en rend pas totalement compte, le mois depuis sa sortie à l’hôpital le présente comme une personne que lui même ne connaît pas. Parfois, il s’arrête, y pense. Prend conscience de tous ces sentiments qu’il n’a jamais eu le souvenir de connaître auparavant, fantômes de ce Jisoo qui a dû, malgré tout, bien grandir durant cette période. Alors pourquoi s’échapper ? S’il était enfin parvenu à quelque chose… pourquoi fuir dans les méandres de son inconscient ? Un mal de tête le prend à chaque fois qu’il y pense, et ses réflexions s’arrêtent vite. Il ne se connaît pas plus qu’il ne connaît Erin et pourtant… il a l’impression de la connaître plus que n’importe qui.

Il l’écoute parler et entend d’autres mots. Il lit dans le langage de son corps, lit dans les mouvements imperceptibles de ces membres, et a l’impression même d’imaginer l’expression de son visage, qu’il ne peut pas observer directement. Il reste là, immobile, frissonne, finalement, lorsque les doigts d’Erin viennent enlacer les siens. Il ne peut s’en empêcher, à se rapprocher un peu plus de son dos, jusqu’à être presque entièrement collé contre elle. Son parfum ennivrant monte jusqu’à ses narines et le rend fou. Jisoo n’a envie de rien de plus que d’enfouir son visage au creux de son cou et d’y déposer ses lèvres, pour s’abreuver tout entier de cette odeur et de ce goût qu’il imagine sucré. L’impression d’avoir déjà goûté sa peau. L’impression de la connaître par coeur, cette impression étrangement familière qui pourtant, n’est reliée à rien. “Idiote…” lui répond-il près de son oreille, tirant sur son bras pour qu’elle se retourne face à lui, coincée entre le comptoir, et son corps. Coincée dans son regard perçant, qui s’ancre dans ses prunelles sombres. Son bas ventre se tord. Ses yeux se plissent. “Erin…” répète-t-il dans un souffle, qui vient s’échouer contre ses lèvres rosées. Son visage, en direction du sien, s’abaisse. Les centimètres entre leurs deux visages se réduisent. Il frôle à peine ses lèvres avant de dériver, laissant sa tête se pencher au dessus de son épaule, pour observer ce qu’elle avait commencé à préparer. Leurs corps se touchent. Un soupir lui échappe. Sa main, un instant, frôle la taille de la jeune femme. “D’accord. Alors… je serai sage” finit-il par achever en se redressant, venant la regarder. “Je vais en profiter pour me doucher” achève-t-il en venant lui adresser un léger sourire, fourrant les mains dans ses poches et s’en retournant pour aller, comme annoncé, en direction de la salle de bain. Et, pour détendre l’atmosphère, il lance, rieur, depuis la porte “Ne pense pas à venir te rincer l’oeil !” avant de pénétrer dans la salle de bain.

Il s’adosse contre la porte. Laisse le sourire s’effacer, un soupir lui échapper. Son coeur, au fond de sa poitrine, bat à la chamade, et son bas ventre, lui, est tendu de frustration. Il avait vraiment failli l’embrasser… il l’avait voulu. L’envie de ne pas tout gâcher avait quand même pris le dessus sur… ce qu’il n’imagine être que de bas instincts. Jisoo finit par se déshabiller et entre dans la cabine, se douche assez longtemps pour se calmer légèrement, sans parvenir pourtant à retrouver son état normal. Il finit par sortir de la salle de bain, habillé d’un t-shirt et d’un pantalon de jogging, les cheveux ébouriffés et humides. Il se pose sur le canapé, et lance “c’est bientôt prêt ??”

Le fait qui la traite d’idiote en retour - et exactement de la même façon – ne peut que serrer le bas ventre d’Erin de désir. Soupirant malgré elle envieusement, elle ferme les yeux et tente de reprendre une respiration convenable. Seulement Jisoo ne lui laisse pas d’autres choix que de lui faire face, en la retournant vers lui. Coincée entre le comptoir et son corps, la belle anglaise affronte finalement le regard aiguisé du Kwon. Elle se perd dedans tout en se mordant dangereusement la lèvre, laisse ses mains tremblantes se poser derrière, de part et d’autre du comptoir pour prendre appui. Jisoo l’hypnotise. Jisoo la tue en murmurant si suavement son prénom. Sans oser bouger, complètement à sa merci et prisonnière, Erin l’observe s’approcher. Elle sent son souffle sur son visage, contre ses lèvres. Son cœur s’accélère alors d’angoisse et d’envie mêlées. Non… Ne fais pas ça. Supplie-t-elle intérieurement. Si tu oses le faire alors… je ne sais pas si je pourrais t’arrêter. Certainement que ce sera impossible pour moi de le faire. Alors pitié… Ne fais pas ça, Jisoo. Ne me torture pas… Et pourtant, elle en crève tellement d’envie. Son visage impassible ne peut cacher la lueur brillante dans son regard envieux. Ce même regard qui louche sur la chair bien trop pulpeuse des lèvres du kwon. Cette bouche qui manque terriblement à la sienne ainsi qu’à son corps tout entier. « Kwon Jisoo, tu… » Peine-t-elle à grogner, alors que leurs lèvres se frôlent à peine sans prévenir, faisant papillonner ses beaux yeux de façon palpable. Dieu. Malgré le fait qu’il se ravise finalement en se montrant étonnement sage, Erin n’entend rien. Rien d’autre que les battements acharnés résonnant comme des tambours dans ses oreilles. Ce n’est lorsqu’elle se retrouve seule qu’elle s’autorise enfin à expirer tout l’air qu’elle a retenu durant ses éprouvantes secondes, aussi émue que frustrée.

Sa main se pose sur son cœur en plein d’acharnement, tandis que ses beaux sourcils se froncent. Elle compte les secondes en fermant les yeux, tente désespérément de se calmer. Après quelques minutes, un semblant de raison finit par venir lui porter secours et l’encourage alors à vite se remettre aux fourneaux. Difficile pourtant d’effacer cet instant encore brulant de son esprit. Stoopid boy… Pense-t-elle d’un air boudeur, bien trop piquée par ce nouveau Jisoo qui n’en fait qu’à sa tête. De nombreuses minutes défilent jusqu’à ce que la voix du Kwon finisse par retentir au loin. Après un peu d’hésitation, la hyun apparaît à son tour dans le salon. « Cinq petites minutes et c’est bon » Promet-elle afin de rassurer son ventre criant surement famine. Tout en mettant la table, son regard vient discrètement l'observer, de façon incertaine. Le voir comme ça, au naturel… ça lui rappelle avant. Un passé qui lui manque beaucoup trop. Sans pouvoir résister, Erin vient alors le rejoindre. Tout en s’essayant à ses cotés, elle lui pique la serviette pour prendre le relai. Parce que ça aussi, ça lui manque. De ne plus pouvoir s’occuper de lui. De ne pas avoir le droit de le dorloter, de lui donner beaucoup trop d’attention. Tout en séchant ses cheveux en douceur, l'anglaise prend son temps. Elle finit par murmurer, attentive « C’est fou comme ils ont poussés… » Et curieusement, les cheveux longs lui vont bien. Vraiment bien. Peut être que d’une certaine façon, ça l’aide elle aussi à faire la différence entre le Jisoo d’avant… et lui. « Ça doit être prêt maintenant… Met-toi à table, okay ? » Annonce-t-elle de manière paisible en se relevant.

Cinq minutes… monsieur se fait impatient. Il gigote un peu sur le canapé, tape le bout de ses doigts contre les coussins, en enlace un le temps d’une minute (besoin de dire lequel ?), avant de le reposer à sa place. Il fait de son mieux pour garder son cerveau vide, pour stopper les pensées qui, inévitablement, viennent le prendre. Est-ce que c’est normal, de me sentir comme ça ? A-t-il jamais ressenti un tourbillon d’émotions tel, avant ? Le jeu… le jeu, il connaît. Il s’y est prêté toute sa vie, avec un tas de filles différentes. Mais jamais… jamais il ne s’est satisfait d’une seule personne. Jamais il n’avait eu envie de plus qu’un simple jeu, ou une partie de jambes en l’air rapidement passée et rarement renouvelée. Il ne pense même pas particulièrement à ça avec elle, ou plutôt… il y pense différemment. Loin de phrases crues qu’il aurait pu donner à n’importe qui, il aurait envie de lui murmurer des mots d’amour, logé avec tendresse entre ses cuisses. C’est sûrement avec une douce violence qu’il viendrait en elle, contrairement aux mouvements presque automatiques répétés avec tant d’autres. Le voit-elle comme ça, elle aussi ? … Il sait qu’elle le désire. On ne peut pas tromper Jisoo avec ça. La façon dont son regard s’est égaré, dont ses yeux se sont illuminés. Aurait-il dû l’embrasser ? Passe le pas ? Et si au final, il pouvait lui plaire autant qu’elle lui plait, à lui ?

Ses réflexions sont coupées par l’arrivée de la principale concernée. Sursautant, comme par honte que ses pensées si peu innocentes soient mises à nu, Jisoo se redresse et s’éclaircit la gorge. Et elle le surprend, à nouveau. De la façon dont elle vient s’asseoir à côté de lui… Attraper cette foutue serviette, pour venir lui frotter les cheveux. A cet instant, il a envie de fondre contre elle, non pas pour l’embrasser sauvagement, mais pour la tenir contre lui, lui butiner les lèvres avec douceur, reconnaissance. A-t-on jamais été aussi doux avec lui ? Il ne lui semble pas le mériter. C’est un regard aussi peiné que désespérément admiratif qu’il pose sur elle. Quelqu’un qui s’y connaîtrait pourrait même tenter l’adjectif amoureux. Mais ce n’est pas ce qu’il est, si ? Jisoo… il n’a qu’un petit crush. Non. Un gros crush. Pour la première fois de sa vie, en 24 malheureuses années, à moins qu’il ait oublié l’histoire d’amour de sa vie à cause de cette perte de mémoire. Non. Erin est spéciale. Elle est si spéciale qu’il s’apprête à venir lui attraper le bras, pour l’arrêter, pour tout lui avouer, du bout des lèvres… Mais déjà elle fuit à nouveau. “Non.” ne peut-il s’empêcher de lancer en fronçant les sourcils, attrapant le bras d’Erin pour qu’elle atterrisse à nouveau sur le canapé. Ses doigts restent un instant, là. Contre sa peau. Puis, il finit par la lâcher précipitamment. “On est chez moi. Laisse moi au moins faire ça…” finit-il par annoncer pour se reprendre, donner une excuse, se lever lui même pour s’éloigner dans la cuisine. La gorge sèche. L’esprit plein de pensées absurdes. Le ventre rempli de papillons, et un coeur au bord de la rupture.

Jisoo finit par préparer les deux assiettes, les posant sur un plateau, ajoutant, malgré tout, deux bouteilles de soju au cas où. Il sent qu’il en a besoin… pour se calmer, un peu. Quelques gorgées, seulement, pour détendre ses muscles, faire disparaître cette tension affreuse. Et lorsqu’il revient, le jeune homme pose tout ça sur la table basse, attrape les allumettes un peu plus loin pour allumer une bougie. “C’est bon… manger à la table, c’est trop formel…” annonce-t-il, avant de s’arrêter. Depuis quand laisse-t-il qui que ce soit manger sur son canapé, alors qu’il risque de faire des tâches, de tomber des miettes, et de le rendre dingue ? La confusion prend son visage, un moment. L’assiette, entre ses mains, finit par être trop brûlante, et il la repose précipitamment sur le plateau. “Désolé…” lance-t-il, honteux de se montrer aussi peu comme lui même, aussi hors de ses moyens. “Désolé” répète-t-il dans un soupir, en observant le riz fumant. Une main, absentément, vient passer dans ses cheveux, qu’elle séchait tantôt. Il a envie qu’elle recommence. Il a envie qu’elle s’occupe de lui. Pourquoi est-ce si dur à supporter ? Cette… émotion… qui le prend dans la poitrine, qui le brûle, qui le donne envie de sortir de lui même. Celle qui lui donne envie de pleurer, et de s’épandre dans des mots lyriques. Une instant, sa main vient se poser, sans qu’il ne s’en rende compte, contre son coeur, là où il bat si fort. Il ferme les paupières, les sourcils froncés. Peut-être est ça : une crise d’angoisse. RIen qu’une bête crise d’angoisse. Mais pourquoi, alors, est-elle si agréable ? “être ma petite amie…” commence-t-il finalement, les yeux fermés. Trop apeuré à l’idée de voir sa réaction, trop apeuré à l’idée de se voir rejeté. “c’est quelque chose qui ne s’est jamais présenté, hein ? durant tout cette dernière année… et demi… et même maintenant… ce genre de trucs… ça ne t’intéresse pas, pas vrai ? je veux dire… même dans un genre de contrat où si on est célibataires à 40 ans on finit ensemble… je serais le pire choix, non ?”

"Non" ? Se retrouvant de nouveau sur le canapé sans prévenir, Erin ne peut qu’observer Jisoo avec un air adorablement offusqué. Sidérée par la force qu’il a utilisée pour l’arrêter. Sans plus jamais oser bouger, la belle reste sagement enfoncée dans les coussins, observant docilement le jeune homme s’éloigner en cuisine. Malgré elle, son sourcil se redresse joliment. Et bien… Quelle mouche l’a piquée ? Le fait de le voir revenir aussi nerveusement la laisse pantoise. Tout en continuant de le regarder faire, elle finit par tendre ses mains pour tout de même l’aider. Seulement en plus d’être nerveux, Jisoo la surprend en se montrant terriblement hésitant et maladroit.  Encore un peu et on croirait voir Lee Jeha en personne. « Ça va ?? Tu ne t’es pas fait mal ? » Demande-t-elle en redressant quelque peu ses fesses du canapé, aussitôt inquiète pour ses mains ayant pris un coup de chaud. Et visiblement, elles ne sont pas les seules... Si bien qu'Erin se demande vraiment ce qui ne tourne pas rond chez lui. Jamais encore il n’avait pas été perturbé, aussi peu confiant. Même avant son accident. Même avant que tout dérape. Mais alors qu’elle s’apprête à dire quelque chose pour le rassurer (et qui sait, l’embêter un peu en le taquinant), Jisoo vient la prendre de court en lâchant une question aussi destructrice qu’une bombe à ses yeux. Dès les premiers mots, le cœur de l’anglaise s’arrête. Tout ce qu’il dit, tout ce qu’il demande en gardant cette main fermement accrochée sur sa poitrine… Pourquoi ? Pourquoi lui donne-t-il l’impression de véritablement tomber pour elle ? Pourquoi lui donne-t-il l’illusion d’être complètement amouraché ? Relevant le regard vers lui, Erin ne peut cacher son trouble. Comme une petite fille joliment choquée, elle le dévisage avec la bouche entrouverte, presque aussi bêtement que lui lorsqu’il le fait. « Tu as… envie que je sois ta petite amie ? » Se risque-t-elle à demander après de longues secondes de silence, osant à peine en parler à haute voix. Non. Pas ça. Tu ne peux pas… Pour tenter de rattraper la situation, elle s’empresse de rire gentiment, faignant de prendre sa demande pour une blague de mauvais gout. Après tout, ce serait bien son genre non… ? « Vous Monsieur Kwon, vouloir d’une relation sérieuse ? Qu’est-ce-qui t’arrives ? Tu t’es cogné dans la douche ou… » Sauf qu’elle n’arrive plus à faire semblant de plaisanter. Elle n’arrive plus à jouer la comédie. Bien sûr que c'est sérieux... Pourquoi fait-elle autant l'idiote ?

L’ambiance devient tout à coup plus grave. Étrangement pesante. « Jisoo, je… » Tente-t-elle de murmurer en baissant ses beaux yeux, avant de pousser un lourd soupir. Son beau visage se secoue afin de contredire la vilaine image qu’il a de lui-même. « Tu es loin d’être le pire choix. Au contraire… Tu pourrais être le premier à mes yeux, sans même avoir à affronter qui que ce soit.  » Assure-t-elle d’une voix douce. Il les bat tous. Sans même avoir à relever le petit doigt. Serrant un coussin entre ses doigts nerveusement, la hyun ne peut dissimuler le chagrin sur ses jolis traits. « Dans d’autres circonstances, je n’aurais pas hésité pas une seule seconde pour être à toi. Pas une seule. Seulement je… » Elle relève son regard vers lui et ce qu’elle voit lui glace le sang. Comme un fantôme, le Jisoo qu’elle a aimé, celui qu’elle a perdu semble se tenir juste derrière le nouveau, tristement attentif à ses mots. Aussitôt, ses prunelles s’embrument. La peine et la culpabilité, mêlées à l’amour dévorant, inondent son ventre pour douloureusement le serrer. « Il y a déjà quelqu’un... Il y avait… quelqu’un et c’est… le seul garçon avec qui je suis sortie. Mon premier amour. Ça ne s’est pas bien passé pour nous les derniers temps de notre relation… Sans que je ne le sache vraiment à l’époque, il a énormément souffert et…  il est parti. Il a disparu sans prévenir... sans que je n’ai eu le temps de lui parler ou même de lui demander pardon. Je ne sais pas si je le reverrai un jour. Peut être  qu’il ne reviendra jamais… » En racontant tout ça, son regard larmoyant dévie tout autour de la pièce. Elle revoit chaque scène. Chaque moment. Heureux. Forts. Puissants. Des images d’eux dans cet appartement. Comme s'ils étaient des sceptres. Comme si l’Erin de cette époque finirait elle aussi par mourir si elle acceptait de tout oublier. Elle soupire, difficilement. Ses mains tremblent, sa voix déraille. «...Mais lui dire au revoir maintenant... tourner si vite la page… Au jour d’aujourd’hui, c’est encore impossible pour moi. J’ai encore besoin de temps… » Avoue-t-elle enfin, n’ayant pas d’autres choix que d’être sincère avec lui, même indirectement. Elle lui doit bien ça.  

« Je ne peux pas te dire oui… Mais je ne veux pas te dire non. Parce que tu me plais, Jisoo. Tu m’as toujours plu, sois-en sur … » Finit par également affirmer Erin, en reprenant peu à peu ses esprits. Retour au présent. Retour à la réalité. Celle où elle se trouve à présent avec lui, qui n’avait rien vécu de tout ça. En rencontrant ses beaux yeux aiguisés, les larmes roulent inévitablement le long de ses joues, sans prévenir. « Pardon, je… » Murmure-t-elle sans pour autant pleurer, alors que les sanglots commencent à rouler comme un torrent sur son beau visage. Tout en s’efforçant de les effacer de plusieurs revers de main, la belle tend nerveusement une assiette vers lui. « Ça va passer. Mange d’accord ? Je te promets que ça va passer… » Tente-telle d’assurer, alors que la peine la prend au cœur, qu’elle finit par cacher son minois en le détournant de l’autre coté, grimaçant de chagrin et de douleur. Peut être espérait-elle qu’en lui parlant de tout ça, de leur histoire… cela finisse par faire écho en lui. Cela finisse par créer un miracle où il se serait alors souvenu de tout. Seulement, rien n’était arrivé, n’est-ce-pas ? Rien n’allait se passer… Ni ce soir, ni peut être jamais. Jisoo… par pitié, pourquoi tu ne reviens pas… ? Demande-t-elle en étouffant un sanglot bruyant.

Il regrette, à peine le silence retombe entre eux, d’avoir pris la parole. Pourquoi dire ça ? Il a tenté de se cacher derrière la légèreté. De dire ça de la façon la plus… naturelle possible. Pourtant, lui, sent son trouble. Son malaise, qui ne fait que grandir à la seconde. Ces choses qu’il n’arrive plus à retenir, et qui ont déjà, pour la première fois aussi clairement, débordé lors de leur conversation par message. Est-ce que cette soirée n’était pas censée faire ça ? Passer à autre chose. Oublier… Ces mots qu’il lui avait dit, la remettre à l’aise, à nouveau. Et à cet instant de pause, avant qu’elle ne réagisse, ne dit quoi que ce soit, il se dit qu’il a tout gâché, une nouvelle fois. Ses doigts se serrent, ses ongles rentrent dans sa paume, et cette douleur, aussi petite soit-elle, lui permet au moins de ne pas paniquer, cette fois, réellement. Il déglutit, difficilement. Il écoute la question qu’elle lui pose sans parvenir à y répondre. C’est vrai… le veut-il ? Il n’en sait rien. Il n’a jamais eu, de petite amie. Pas de vraie petite amie, en tout cas. Saurait-il même quoi faire dans cette situation ? N’est-il pas égoïste d’aborder ce sujet là, alors qu’il n’est que…. lui ? Kwon Jisoo ?

Un instant, il s’apprête à attraper la perche que lui tend la jeune femme. Oui. Qu’elle ne parte pas dans des discussions sérieuses, dont il ne veut pas. Il veut oublier, rire, et faire comme si, ça aussi, comme toutes les autres choses, n’était que léger et inconséquent. Seulement, elle s’arrête. Et dans la pause qui s’étire, Jisoo y lit des idées qui lui tordent le ventre. Son poing se resserre un peu plus. Une voix, au creux de sa tête, supplie Erin de se retenir, de ne rien dire, de laisser passer ça aussi facilement que s’il avait à nouveau abordé le sujet de son coussin débile. Seulement non. L’ambiance change, une nouvelle fois. A cause de lui.

A partir du moment où elle prononce son nom, il sait ce qu’il va advenir. Il sait qu’elle va lui dire non, ou qu’elle va lui révéler que cette situation s’est déjà présentée par le passé, mais qu’elle n’est pas intéressée par lui.. pas du tout. N’a-t-il pas été idiot, à imaginer que… et même le fait de dérouler la phrase en tant de mots, au creux de son esprit, lui donne envie de pleurer. Sa gorge se referme un peu plus et il baisse le regard, tentant de se concentrer sur les mots d’Erin, tentant de cacher du mieux possible la peine qui vient se déverser en lui, noyant absolument tout sur son passage. Pourquoi est-ce que ça fait si mal ? se demande-t-il, en retenant sa respiration. Au moins, le fait qu’il y ait quelqu’un d’autre… l’empêche de trop se haïr, même si pour un Kwon Jisoo, il est inévitable de passer par cette case. Ce n’est pas toi, mais… il n’a jamais pu entendre cette litanie. Jamais, oh bon dieu jamais, il ne s’est ouvert à quelqu’un aussi directement. Jamais il n’a laissé l’opportunité à qui que ce soit d’avoir une visée directe vers son coeur, et même là, en s’étant confié sur ses sentiments de façon si discrète et subtile, il regrette, amèrement, d’avoir risqué le pas. Qu’Erin le rassure n’y change rien. Ce qu’il croit sur lui même dépasse de loin tout ce qu’elle pourrait lui affirmer. Il n’arrive même pas à éprouver un soupçon de jalousie pour cet homme inconnu, se battant de toutes ses forces avec le fait de rester impassible.

Il finit par redresser le regard, au même moment où elle pose le sien en sa direction, elle aussi. Ce qu’il y voit perce douloureusement son coeur, mais lui fait oublier, au moins momentanément, sa propre peine. Elle s’excuse et il entrouvre les lèvres, perturbé. N’est-ce pas à lui de s’excuser ? A-t-il vraiment réussi à faire pleurer Erin, avec ses paroles et ses sentiments mal placés ? Il secoue légèrement la tête, comme pour lui dire qu’il est désolé, qu’il est désolé, qu’il n’aurait jamais du aborder le sujet, qu’il a été égoïste… mais sa gorge est trop sèche, trop serrée, pour qu’un seul mot ne s’échappe. C’est totalement impuissant qu’il assiste aux larmes qui finissent par couler le long des joues d’Erin, impuissant qu’il sent le poignard s’enfoncer un peu plus dans sa propre poitrine à chaque nouveau pleur.

Erin lui dit de manger, et il ne peut qu’observer, quelques secondes, l’assiette, l’estomac bien trop noué pour y toucher. Il tente de se calmer, de se reprendre, il ne peut pas rester silencieux, si ? Il prend sur lui, pousse une grande expiration, inspire “pardon. pardon, Erin, je ne voulais pas.. je suis désolé. je ne savais pas.” s’empresse-t-il de lui lancer, le mal de tête commencer à lui monter, ses propres prunelles se voilant. Il s’éclaircit la voix. Feint de n’être pas si affecté que ça, malgré la douleur qui le scie en deux. Peut-être parce qu’il veut rassurer Erin, Jisoo finit par attraper son assiette et, malgré son manque d’appétit, vient apporter la cuillère à sa bouche. Au moment où le plat vient toucher sa langue, un sanglot lui échappe, sans qu’il ne puisse le retenir. Il le cache, tousse pour se donner de la contenance, efface rapidement la seule larme qui lui échappe, et mange. Il mange, parce qu’il ne peut rien faire d’autre. Quel ami fait-il. Et malgré tout, cette peine. D’avoir pensé être spécial. De découvrir que, dans sa vie, il y a quelqu’un d’encore plus spécial que lui. Pourquoi est-ce que tout ça fait si peu de sens ?

Il finit par poser son assiette. “Je suis désolé, Erin” murmure-t-il avant de bouger pour se rapprocher d’elle. Il n’arrive pas à s’en empêcher. Sûrement par égoïsme, l’envie d’être rassuré, lui aussi, et puis pour essayer de la réconforter, aussi, même s’il a l’impression que c’est vain. Ses bras passent autour de son petit corps et il vient enfouir son visage au creux de son cou. Quelques larmes lui échappent et viennent tomber contre sa peau, avant qu’il ne puisse les rattraper. Tant pis. “Désolé…” répète-t-il en la serrant un peu plus fort. Qu’importe sa propre douleur, sa propre peine. A cet instant précis, il se surprend à vouloir, plus que tout, cesser celle qui se produit face à lui. De ses souvenirs, il n’avait jamais fait autre chose que la provoquer. Que lui arrive-t-il ? “C’était juste pour rire… D’accord ?” finit-il par dire, restant caché contre sa peau. “Je suis désolé. Je ne voulais pas te presser. Je ne voulais pas te mettre mal à l’aise, je ne voulais pas… je n’avais aucune idée, Erin. Personne ne m’a rien dit.” ajoute-t-il en secouant la tête, désolé qu’ils en soient arrivés là. “Regardons un film, d’accord? Regardons un film et mangeons…” et sans pouvoir s’en empêcher, c’est d’une voix étranglée qu’il finit par lancer. “comment est-ce qu’il a fait cet homme, pour pouvoir partir ? … je crois que si je t’avais à moi, j’en serais incapable. ça fait si mal, de te voir pleurer. je crois que de t’abandonner… j’en serais mort, à sa place”

Elle se retient. De pleurer. De fondre véritablement en larmes. L’envie d’hurler à pleins poumons, de crier sa peine et sa détresse. C’était comme si là, tout comme lui et à cet instant, la Erin du passé se retrouvait coincée à son tour au plus profond d’elle. Comme si elle ne pouvait rien faire d’autre que tambouriner autour d’une prison invisible et hermétique, sans qu’aucun son ne se fasse entendre. Est-ce-que c’est comme ça aussi pour lui ? Est-ce-que les souvenirs oubliés de Jisoo sont matérialisés de cette façon, en lui ? Elle imagine tristement, horriblement... Le vrai Jisoo ainsi. Dans une telle situation. Suppliant le nouveau de se souvenir, hurlant de toutes ses forces pour se faire désespérément entendre entre ces murs transparents. Voilà pourquoi elle ne peut pas baisser les bras. Voilà pourquoi elle est à mille lieux de pouvoir tourner la page. Elle n’y arrive pas. Comment peut-elle laisser ce Jisoo là derrière elle ? C’est lui qu’elle a connue avant tout. Lui qu’elle ne peut pas l’abandonner. En entendant le kwon se confondre en excuse, la belle ne peut que secouer la tête, en reniflant. Tendre idiot. Pourquoi s’excuse-t-il ? C’est tout sauf sa faute... Et sans même avoir besoin de tourner son visage en sa direction alors qu’il s’efforce de manger pour lui faire plaisir, Erin ressent sa détresse. Erin ressent la peine qu’elle lui a causé malgré elle, sans avoir le choix. Si seulement tu savais... à quel point je m’en veux de te faire passer par tout ça... Pense-t-elle en étouffant de plus en plus difficilement ses pleurs.  

S’il n’arrive pas à s’en empêcher, elle n’arrive pas à le freiner non plus. N’y résistant pas, l’anglaise se blottie désespérément dans les bras du Kwon, le corps frissonnant de détresse et de bonheur à la fois. Sa chaleur la brule presque, comme un soleil apparaissant brusquement dans un ciel gris depuis des siècles. Tout en fronçant les sourcils, Erin finit par passer ses bras autour de lui à son tour. Ses derniers glissent dans son dos sur lequel elle accroche ses mains, où elle froisse amoureusement le tissu de son T-shirt. Son cœur se brise de le sentir pleurer dans son cou. Non pas ça. Pitié. Tout sauf ces larmes. Elle ne veut pas qu’il soit triste. Qu’il regrette. Qu’il s’en veuille. “Je sais... tu n’as pas à t’en vouloir...” Assure sa voix douce lorsqu’il s’excuse encore en assurant n’avoir été au courant de rien.  Ils pleurent ensemble. Il pleure pour elle. Elle pleure pour eux. “comment est-ce qu’il a fait cet homme, pour pouvoir partir ? (…) j’en serais mort, à sa place” Tout en regardant droit devant elle, elle ne peut que sourire douloureusement tandis que les larmes coulent un peu plus en silence. Ça lui fait si mal, d’entendre ça. Et pourtant, bien trop touchée par ces mots malgré tout, Erin ne peut qu’être terriblement reconnaissante. Elle sait. Elle sait qu’il ne l’a pas choisi, que jamais il n’aurait voulu l’oublier. Qu’il aurait préféré garder tous ses derniers tourments rien que pouvoir se rappeler chaque instant passé avec elle. “Merci...” Murmure-t-elle de façon brisée. Sans pouvoir résister, elle vient déposer un baiser contre sa tempe, avant de finalement s’écarter pour apercevoir son visage.

Ce même visage qu’elle vient prendre en coupe entre ses mains, afin que leurs regards larmoyants se confrontent. Et elle le regarde alors. Admirative. Reconnaissante. Aimante. Tout en s’y perdant un long moment, reprenant des forces grâce à ces yeux aiguisés plongés dans les siens, la belle glisse tendrement ses pouces pour sécher les larmes du kwon. Le besoin de blaguer malgré tout, pour détendre l’atmosphère et apaiser leur peine. “C’était si mauvais que ça pour que tu pleures ainsi ?” Plaisante-t-elle en riant faiblement à travers ses pleurs, cette fois-ci bien plus sincère. Sans le retenir, un doux sourire vient sublimer son visage humide. Le tout premier, bien réel, qu‘elle s’ose enfin à lui offrir. “Stoppe ces larmes s’il te plait... Ça me brise le cœur...” Supplie-t-elle en continuant de sécher ces dernières... profitant également pour passer une mèche de ses cheveux derrière son oreille délicatement. Si douce. Si... elle. Celle qu’elle peine de plus en plus à cacher de lui. “Ne dis pas que c’est pour rire. Je ne veux pas que tu fasses semblant. Je ne veux pas que tu te caches.” Sa paume finit par se poser complètement contre sa joue, et elle laisse échouer son front contre le sien en closant un instant ses prunelles perlées. “As-tu bien compris ce que j’ai dit plus tôt...?” Souffle-t-elle après une bonne minute passée ainsi avec lui... revenant le regarder en entrouvrant à peine les yeux. Son souffle se mêle au sien. Son autre main glisse doucement sur l’arrière de son crâne, se perd tendrement dans ses mèches brunes. “Kwon Jisoo...” Tu me plais. Beaucoup trop. Peu importe qu'il y en est dix comme toi, tu me plairas toujours désespérément. Et si ça doit se faire alors je veux... avoir le cœur totalement prêt et libre pour accepter d'avancer. Est-ce-que tu veux bien ? Me laisser le temps ? Est-ce-que j’ai le droit d’être capricieuse et de te garder quand même pour moi ? Dis-moi comment faire pour ne pas te perdre... pour te pousser à ne voir que moi et seulement moi malgré tout... Doucement, ses lèvres tremblotantes viennent effleurer les siennes à leur tour. Elles dérivent ensuite sur le coin de sa bouche, où elles déposent dans une monstrueuse douceur un véritable baiser. S’osant plus le regarder, Erin s’écarte ensuite, les joues rosies par l’émotion et la gêne.                                                                                      

Merci ? Pourquoi ce mot seul remplit sa poitrine de tant de chaleur ? Ses sourcils se froncent un peu plus. Il se retient de la serrer un peu plus fort, et de lui dire que c’est lui, lui qui devrait lui dire merci, de lui faire ressentir toutes ces choses là. De lui donner un endroit où être lui, entièrement. De lui donner l’impression qu’il n’y a rien qui va mal avec lui, même lorsqu’il en a constamment l’impression. Il ne peine pas à comprendre pourquoi ce Jisoo d’avant a pu se rapprocher d’Erin. Et maintenant, il comprend un peu mieux pourquoi il n’a jamais voulu aller plus loin… non. Pourquoi il n’a jamais pu aller plus loin. Car il en est persuadé : si ce Jisoo présent ressent toutes ces choses, pourquoi est-ce que Jisoo de la dernière année y aurait échappé ? S’en est-elle douté, durant cette année et demi, de l’amour secret qu’il avait sûrement dû entretenir à son égard ? Est-ce que cela fait longtemps, que leur amitié est teintée de quelque chose de spécial, qu’elle ne pouvait pas attraper au vol à cause de ce fameux… Premier amour, secret ? Certains espaces blancs restent. Personne ne lui a jamais parlé d’un homme dans la vie d’Erin, pas un de ceux qu’il ne connaîtrait pas, en tout cas. Peut-être parce que le sujet est trop douloureux ? Mais pourquoi personne ne l’aurait prévenu, lui à qui la mémoire avait été arraché, pour qu’il n’aborde pas le sujet ? Avait-il été plus impliqué qu’il ne le pense, dans cette histoire d’amour qui semble la briser entièrement ?

Il revient avec ce baiser, si léger, contre sa tempe. La chaleur qui revient, l’embaume, le transporte. Il a envie de lui rendre. Par milliers. Mais encore plus qu’avant, il voit là la nécessité de ne pas se laisser trop aller, de ne pas être trop ouvert à son égard. De toute évidence elle a mal… et agir comme ça envers elle ne ferait qu’empirer la chose. C’est un regard amoureux qu’il vient poser sur elle, lorsqu’enfin Erin revient le regarder et prendre son visage entre ses mains, mêlé à de l’incompréhension, tout de même. Il la déteste, à cet instant là. D’être aussi douce avec lui. De briller si fort par rapport à toutes les autres personnes qu’il a pu rencontrer dans sa vie. De ne le pousser qu’à la vouloir un peu plus chaque jour, au lieu que son intérêt ne s’évanouisse. D’habitude, il se lasse si vite. Quand il la regarde, il a l’impression qu’une vie ne serait jamais assez pour s’ennuyer. “C’est bon… J’arrête” lui lance-t-il en tentant un sourire. Il déglutit. Chaque attention qu’il lui donne fait cogner un peu plus douloureusement son coeur dans sa poitrine.

“As-tu bien compris ce que j’ai dit plus tôt...?”... et il n’ose pas l’avouer, que non. Il ne sait pas ce qu’elle veut. Il ne s’autorise pas à l’imaginer. Le fait que leurs visages soient aussi proches l’un de l’autre ne l’aide pas à se concentrer. Et lorsqu’elle se penche un peu plus contre lui, son coeur rate un battement. Va-t-elle l’embrasser ? Bêtement, il ferme les paupières, accueille ce doux baiser au coin de ses lèvres, et use de toutes ses forces pour ne pas en profiter, attraper les siennes, et y rester des heures. A la place, il reste comme ça. Les paupières fermées, les sourcils froncés, le fantôme de son baiser accroché à sa commissure. “Désolé, Erin” finit-il par souffler, rouvrant finalement les yeux pour venir la regarder. Une expression peinée. Désolée. Et pourtant cette lueur qui ne le quitte pas, cette bête admiration dans le regard, cette douceur entichée. “Je suis en train de tomber amoureux de toi” lui avoue-t-il dans un souffle, en ne quittant pas son visage du regard.

Elle ne peut pas s’en empêcher. D’être douce, d’être tendre avec lui. Combien de temps va-t-elle devoir jouer encore la comédie ? Ce rôle de fille froide et indifférente, qui semble aimer le faire tourner en bourrique… Ça ne lui va pas. Ce n'est pas elle. Pas avec lui. Avec lui, elle a simplement envie d’être elle-même. La vraie Erin. Celle qui ne cache pas ses sourires célestes et lumineux. Celle qui n’a pas besoin de soju pour être niaise, pour le couver de douceur. Elle crève d’envie de tout ça, Erin. Même si ce n’est plus comme avant, même ce Jisoo-là n’a pas la moindre idée de ce qu’ils ont pu vivre durant cette année, elle meurt d’envie d’être infiniment proche de lui. De lui faire découvrir cette fille qui a été amoureuse de lui dès le tout début, et qui peine aujourd’hui à garder ses sentiments muselés. En embrassant délicatement le coin de ses lèvres, la belle se perd. La belle s’emmêle bien trop agréablement les pinceaux. Passé et présent se confondent dans son cœur. Les souvenirs d’avant. Ceux qui ne sont encore que des instants à ce moment précis. Que doit-elle faire ? Où doit-elle se situer avec lui ? Complètement perdue, l’anglaise baisse les armes pour le moment. Elle les baisse parce qu’elle n’en peut plus. Elle veut être proche de lui. Elle veut lui montrer à quel point elle tient à lui. Lui donner tout cet amour qu’elle retient douloureusement depuis des mois et qui la submerge, qui la noie avec violence dans un triste silence. Cette limite… Cette ligne que son pied s’apprête à  dangereusement franchir… Elle la hait. Elle donnerait tout pour la faire disparaître. Paradoxalement, c’est pourtant elle qui la sécurise, qui la rassure. Que faire alors ? Que faire… ?

Il s’excuse sans qu’elle ne comprenne pourquoi. Ce n’est que lorsque cet aveu finit par franchir la barrière de ses lèvres que le corps tout entier d’Erin est submergé par une émotion cuisante, aussi belle que douloureuse. “Je suis en train de tomber amoureux de toi”… Des mots qu’elle accueille avec autant d’amour que de peur. La joie. L’euphorie. La tristesse. Son cœur explose, son regard s’embrume de nouveau tandis qu’elle soutient langoureusement le sien. Elle expire difficilement, pousse un peu plus le front de Jisoo avec le sien dans une caresse divinement féline. Ne lui apporte-il pas la preuve que : quoi qu’il puisse arriver, ils seront toujours liés ? Qu’importe la distance, le temps, les gens pouvant les freiner… Tous deux seront toujours inexorablement attirés l’un par l’autre ? Ils sont âmes sœur. Erin a la bête certitude que même dans leurs vies antérieures, ils se sont forcement connus et aimés. Aimés plus que tout. Oui, c’est vrai… Comment un amour pourrait-il être si fort, sinon… ? Sans ne savoir quoi répondre, elle s’autorise à lui sourire de nouveau. A lui sourire amoureusement tandis que sa main gauche continue de choyer tendrement ses cheveux noirs. La droite, elle, finit par venir se poser contre le torse du Kwon pour sentir ses battements fous. « Est-ce-que ça te fait souffrir… ? » Demande-t-elle en chuchotant, soucieuse que cela le rende malheureux. Dieu. Elle crève d’envie de lui répondre. De lui hurler qu’elle l’aime à un point qu’il n’imagine même pas. Seulement, elle ne peut pas. Pas à voix haute en tout cas. L’affirmer aussi directement… Ce serait dangereux pour lui. Mais pour ne pas le laisser sans réponse pour autant, Erin finit par venir chercher la main de Jisoo. A son tour, elle la pose contre sa poitrine, afin qu’il ressente son cœur tout aussi vibrant que le sien.... cognant à vive allure contre sa cage thoracique. Et ils restent comme ça, un long moment. A simplement écouter les battements du cœur de l’autre, plus proches que jamais. Des battements qui se répondent en silence, dans une évidence beaucoup trop belle et incroyablement forte. Irréelle.
                                                                             

Cet aveu lui échappe, et il n’a pas le temps de le rattraper au vol, de le ravaler, de faire comme s’il n’en était rien. N’est-ce pas ça, la vérité ? N’est-ce pas ça, l’explication de son coeur battant, de ses regards appuyés, de son envie, chaque jour, de grappiller un peu plus de temps à ses côtés ? Ce n’est pas logique. Même si son coeur en est sûr, son cerveau, lui, le nie. Parce qu’un Jisoo ne tombe pas amoureux. Parce qu’un coeur de Jisoo ne devrait pas être capable d’être animé de tels sentiments. Et au final, c’est cette opposition entre sa tête et son coeur qui le poussent à nuancer sa déclaration. Je suis en train. Ne l’est-il pas déjà totalement, après tout ? Jisoo n’en sait rien. Il ne sait pas ce que ça fait, après tout. Cela ne lui est jamais arrivé.

Il craint qu’Erin ne fuie, mais ses caresses, infiniment douces, ne cessent pas. Jisoo ferme à demi les paupières, tente de déceler quelque chose dans l’expiration qu’elle lui offre… ne sait pas si sa réaction doit lui donner l’envie de regretter, ou de pousser un peu plus en avant. Il reste là. Parce que cette position… front contre front… son odeur, tout entièrement emplissant ses narines, et ces frissons, naissant du bout de ses doigts… s’est-il jamais senti aussi bien ? Il n’a pas tant envie de plus. Non. Ici… il trouve le contentement qui vient avec celui de trouver sa place quelque part, parfaitement là où il doit être, le coeur léger, la joie jusqu’aux bouts des doigts. Un apaisement certain, qui ne le connaît que peu.

Contre les doigts d’Erin, qui viennent se poser contre sa poitrine… Jisoo frissonne, légèrement. Il ne cesse de la regarder. A la question qu’elle lui pose, il n’hésite aucunement à répondre. “Non…” souffle-t-il. Non. Sûrement que ce fait là, aussi simple qu’incompréhensible, l’écarte de sa souffrance habituelle comme rien d’autre n’a pu le faire. Il se sent hors de lui, ou en tout cas, hors des chaînes qui le tiennent normalement à terre. Il déglutit, difficilement. Laisse Erin venir poser ses propres doigts contre son coeur. Il lui semble, à cet instant là, que leurs muscles battent en accord parfait. Sur ce tempo, sûrement, composerait-il la plus belle des mélodies.

Le temps s’étire. Le rythme de leurs coeurs reste constant. Leurs regards ne se quittent pas, et leurs souffles, à chaque expiration, se rencontrent à nouveau. Jisoo se sent flotter. Il lui semble être entré dans une bulle, à part de ce monde, flottant au dessus de tout… Une bulle, où rien ne peut lui arriver. Sûrement que jamais, il ne s’est senti aussi en sécurité. Aussi en paix. Aussi bien.

Ses doigts, sans quitter la peau d’Erin, finissent par remonter jusqu’à son épaule, puis, venir se resserrer contre sa nuque. Son autre main, libre, vient se poser sur celle d’Erin, contre sa propre poitrine. Il n’y tient plus. Il hésite à s’excuser, mais n’y trouve aucune justification. Fait-il vraiment quelque chose de mal ? Si c’était le cas… alors pourquoi se sent-il aussi peu coupable ? Pourquoi sait-il qu’il ne peut rien regretter, de ce qu’il se passe à ce moment là ? Pourquoi est-ce que ce moment lui semble déjà écrit, comme s’ils ne suivaient que le scénario d’une pièce jouée sur scène cent fois ? Et il plonge, ferme les paupières et vient rencontrer ses lèvres d’une douceur infinie. Ses croissants de chair viennent se loger parfaitement entre les siens, comme s’ils avaient été créé pour. Et c’est bête, Jisoo. Il n’a jamais embrassé quelqu’un aussi doucement. De longues secondes, même, s’étirent, sans que ses lèvres ne se meuvent contre les siennes. Il s’approche d’elle, un peu plus. Goûte cette sensation, qui, plus que d’éveiller en lui un désir charnel, lui donne l’envie de pleurer de bonheur. C’est finalement une larme, unique, qui vient couler entre leurs lèvres, et qui le pousse à venir butiner ses lèvres, si lentement, si amoureusement. Accroché à elle, mû de peur qu’elle le repousse, que ce qu’il ressent là ne puisse être partagé. Mais comment serait-ce possible ? Que des sentiments… si purs, et si évidents, ne naissent que de son coeur. Non. Ils ont été liés. Ils le sont. Et ils le seront. De ça, il ne peut douter.

Non. Ca ne le fait pas souffrir. Il le murmure du bout des lèvres, leurs deux regards à peine ouverts restant captivés par la lueur de l’autre. Le cœur d’Erin ne peut que se serrer agréablement, rassuré comme jamais. N’est-ce pas là la preuve ultime que leur amour est tout sauf mauvais ? Que contrairement à ce que des gens comme Momo ont voulu leur faire croire, les sentiments qu’ils ressentent l’un pour l’autre méritent d’exister ? Il n’y a rien de plus beau, de plus fort et surtout de plus protecteur que l’amour qu’ils puissent éprouver l’un envers l’autre. Avant que tout dérape, ils avaient changé grâce à l’autre. Il avait sû devenir plus doux, elle avait sû s’ouvrir au monde. Tous deux avaient compris que dévoiler sa tendresse et les parts les plus vulnérables de leur être ne devait pas être considéré comme une faiblesse lorsqu’ils étaient ensemble. Ils avaient appris en un rien de temps à se connaître par cœur, à ne jamais se faire du mal, à toujours porter l’autre le plus haut possible. Que de lumière. Que d’éblouissement. Un sentiment ultime d’apaisement et de tendre fierté. Oui. Qu’importe les doutes, les parts sombres de leurs âmes… Ensemble, ils n’avaient été que soleil. Un soleil qui s’apprêtait enfin à réapparaître à travers la brume, avide de briller de nouveau. Devait-elle encourager l’orage de rester malgré tout, afin de ne pas aller trop vite, de ne pas rendre la situation trop dangereuse ? Sur le coup, Erin n’y arrive pas. Rien ne compte plus que cet homme face à elle, dont le cœur bat à la chamade contre sa main. Ce même cœur répondant au sien, dans un rythme affreusement beau et similaire. N’était-ce pas évident ? Ils s’aimaient. Il n’était pas en train de tomber amoureux d’elle en réalité. Il l’était déjà. Depuis déjà si longtemps. Ce qu’il ressent, c’est ce que l’ancien Jisoo ressent avant tout. Comprend-t-il, au moins, qu’elle a toujours été sienne… ?

Peut être que l’instant est trop beau. Trop beau pour écouter la voix de la raison. Trop beau pour l’empêcher d’aller plus loin. En sentant ses doigts se poser contre sa nuque, Erin frémit. Elle le laisse faire, le laisse s’approcher infiniment d’aller jusqu’à ce que leurs lèvres se confrontent enfin, dans un frôlement merveilleusement doux. Le contact est si fort qu’elle peut sentir le cœur de Jisoo exploser contre ses doigts, tandis que le sien s’affole tout autant avec passion. Tout en fermant les yeux, Erin vient poser sa main libre contre la joue du Kwon, expirant doucement contre la pulpe de ses lèvres. Ces lèvres rien qu’à elle. Son dû. La sensation ultime de revivre leur tout premier baiser. De tout recommencer tout en retrouvant pourtant un cocon terriblement agréable et familier. Dieu. S’il savait à quel point… tout ça a pu lui manquer. Et elle lui dit, en secret. Elle le dit au Jisoo d’avant, persuadé qu’il est là, qu’il sait à quel point elle peut l’aimer. Son corps tout entier est parcouru de frissons. Adorablement charnels. Plus que jamais spirituels. Pendant ces longues secondes où leurs lèvres ne se mouvent pas encore, elle caresse amoureusement sa joue du pouce, tandis que les doigts de son autre main – toujours contre sa poitrine – presse amoureusement le tissu de son T-shirt. Et voilà que cette larme, imprévue et belle à souhait, vient glisser entre leurs lèvres unies. Même s’il ne la comprend sûrement pas, Erin sait plus que tout pourquoi cette dernière coule. Parce que sans le savoir encore, les souvenirs oubliés témoignent d’un merveilleux déjà vu. Celui qui pleure, c’est son Jisoo. Celui enfermé, qui crève d’envie de fusionner avec le nouveau pour la retrouver véritablement. Je t’aime aussi, je ne t’oublie pas… Pense-t-elle en venant tendrement essuyer la trace humide sur son beau visage.

Ses propres cils sont perlés de larmes. Dans une douceur aussi timide qu’infinie, elle répond aux mouvements de lippes qu’il lui offre enfin. Comme si le temps était au ralenti, chaque pressement est merveilleusement lent. Erin retrouve désespérément cette sensation bien trop satisfaisante. Celle d’avoir les lèvres de son homme tout contre les siennes, toutes parfaitement emboitées les unes avec les autres. C’était comme si elles avaient été sculptées dans le seul et unique but de pouvoir se sceller à la perfection. Elle l’embrasse. Aussi tendrement que lui. Aussi sagement que lui. Comme deux adolescents bien trop amoureux le feraient, de façon pure et pour la première fois. Tout doucement, ses bras finissent par entourer sa nuque. Elle s’allonge progressivement dans le canapé tout en l’entrainant tendrement dans sa chute ; pivotant ensuite sur le coté pour que tous deux se retrouve l’un face à l’autre sans s'arrêter de s'embrasser. Elle dans ses bras. Elle rien qu’à lui…
                                                             

Jisoo attend. Qu’Erin pose ses mains sur ses épaules et le repoussent. Une gifle, peut-être, s’il est vraiment allé trop loin, ou tout du moins, une légère protestation contre ses lèvres… Mais rien. Au lieu de l’éloigner, elle le rapproche de lui, et, désespérément amoureux, Jisoo fronce un peu plus les sourcils, et se laisse aller un peu plus entièrement dans ce baiser. Est-ce arrogant? De penser que cet homme qu’elle a aimé, quel qu’il soit… ne sera jamais aussi bien que lui, pour elle. Qu’on embrasse pas quelqu’un de cette façon là, si on est encore entiché d’un autre. Non… Jisoo refuse de s’imaginer le deuxième homme, volant la femme d’un autre. Il est persuadé à cet instant qu’ils ont dû avoir cette connexion depuis leurs premiers moments ensemble. Si elle aimait cet homme, elle sera obligée de l’aimer au moins cent fois plus.

Jisoo laisse Erin les allonger sans quitter un instant ses lèvres. Pour éviter que la jeune femme ne tombe du canapé qui n’est, au final, pas très large, le jeune homme passe les bras autour d’elle et la serre un peu plus contre lui. Les frissons se répandent au creux de son ventre. Pourquoi est-ce si agréable ? Et pourquoi est-ce si… différent, de tous les baisers qu’il a pu connaître dans sa vie ? Pourquoi est-ce que chacun de ses muscles se tend, de façon si agréable ? Pourquoi tout en lui semble fondre de douceur, de chaleur, et comment peut-il imaginer, ne serait-ce qu’une seconde, n’avoir jamais pris cette même occasion durant la dernière année ? Est-ce par respect pour cet homme inconnu, qu’elle a toujours nié ? Que tout le monde a nié ? Et si les choses, lors de cette année qu’il a oublié, avaient dérapé, plusieurs fois, de cette façon là ? Et si, même, ils étaient allé plus loin ? Il n’ose pas lui demander. Après tout… il faudrait sûrement lui couper la main, pour qu’il mette fin à ce moment. Leurs lèvres ne cessent de se chercher, et il laisse, dans ses douces étreintes, quelques signes de sa faim inexorable à son égard. Même s’il reste lent et doux, ses dents, elles, viennent s’amuser à s’accrocher à la lèvre d’Erin et à la mordiller, avec faim. A côté d’eux, sur la table basse, les risottos, sûrement, doivent être déjà froids. Et s’il reste sage, à ne pas passer ses doigts sous le haut d’Erin malgré son envie, ils se pressent pourtant contre son dos, laissent leurs empreintes, et il se laisse à imaginer, ce que ça ferait, contre sa peau nue. Il imagine, la courbe de leurs corps sous leurs vêtements, mais avec un désir qui lui semble d’une toute autre nuance, que tout ce qu’il a pu vivre. Jisoo ne ressent pas d’impatience ou de finalité dans le fait d’avoir envie d’elle de cette manière là. Sûrement ne se sentirait-il pas frustré, s’ils ne faisaient que s’embrasser avec tant d’innocence, tout le long de la nuit. Au contraire… il a l’impression, là, de se remplir de quelque chose auquel il n’a jamais eu droit. Pour la première fois de sa vie, le vide ne lui semble pas encore plus insupportable, à être si proche de quelqu’un. Non. Il se sent entier, et vivant. Jisoo n’a besoin de rien d’autre. Juste d’elle.

Il l’embrasse jusqu’à ce que ses lèvres, au bout d’un moment, commencent à devenir engourdies. Et à ce moment là seulement le jeune homme s’écarte, vient embrasser le coin de ses lèvres, et sa joue. Le grain de sa peau est si doux qu’il l'enivre, et il vient inspirer, profondément, en appuyant son nez contre son visage. Un baiser. Ses lèvres, à chaque fois, emplissent le silence d’un bruit témoignant de son affection. Il finit par resserrer encore un peu plus les bras autour d’elle pour venir se cacher au creux de son cou, comme un peu plus tôt. Cette fois-ci, pourtant, il s’autorise à venir embrasser sa peau. Une de ses mains vient jouer avec ses mèches brunes, tout en déposant sur chaque centimètre de son cou, sans en oublier un seul, des baisers. Il n’a aucune idée du temps qui s’écoule. Il finit pourtant par s’arrêter et revenir lui faire face, laisser leurs nez se frôler. Un instant, il pense à dire quelque chose, n’importe quoi, mais ne peut résister, encore, à venir lui arracher quelques baisers. “Arrête moi…” finit-il par lui demander en chuchotant contre ses lèvres, persuadé de ne pas pouvoir faire preuve de tant de contrôle.

Son corps se tend divinement contre le sien, tandis que leurs lèvres ne se quittent pas une seule seconde. Pas même pour reprendre leur souffle. Tout est tellement doux qu’ils semblent capables de continuer à s’embrasser ainsi toute la soirée. Peut être même toute la nuit. Erin ne peut que soupirer d’envie et d’amour contre les croissants de chair du kwon, amoureusement unis aux siens. Elle ne craint même pas le vide derrière elle, totalement protégée par ces bras et ces mains dans son dos, la poussant à être infiniment proche de lui. Et c’est ce qu’elle fait. Une main contre sa joue, une autre dans ses cheveux… La belle anglaise ne se retient pas de couver Jisoo de tendresse, l’embrassant toujours plus passionnément au fur et à mesure que les secondes passent. Inévitablement, l’instinct charnel revient, pointe le bout de son nez. Oui, inévitablement. Parce que ce corps lové contre le sien, elle le connaît par cœur. Elle pourrait le dessiner les yeux fermés avec un désir fou, une émotion merveilleusement dévastatrice. Il suffit que Jisoo disparaisse dans son cou pour que sa raison tremble entièrement. Malgré elle, Erin vient adorablement se plaindre avec envie ; subissant agréablement les baisers qu’il dépose sur sa peau. Diable. Depuis combien de temps n’ont-ils pas fait l’amour elle et lui… ?  Depuis combien de temps leurs corps ne sont-ils pas liés dans la plus douce des violences ? Le grain de sa peau lui manque tellement… tout comme son gout, son odeur. Elle crève d’envie que tout redevienne comme avant. Avant, Jisoo aurait fini par la déshabiller tout en inondant ses courbes de baisers fiévreux. Avant, son beau visage aurait disparu entre ses cuisses pour la faire rougir et gronder de plaisir. Avant, il aurait fini par vite se redresser et la porter dans ses bras jusqu’à leur chambre, afin de lui faire l’amour toute la nuit. Et si l’impatience aurait été trop forte alors… il l’aurait amoureusement prise là, sur ce canapé ; lui infligeant les plus fougueux et sensuels coups de reins qui soient. Elle. Sa femme. Sa déesse. Et lui, l’ange le plus diabolique qu’elle n’ait jamais connu. Bien sûr qu’elle a envie de lui, Erin. Elle lui fait timidement comprendre par ses joues rosies, par de jolies plaintes à peine soufflées entre deux baisers à l’allure sage. Il faudrait être aveugle pour ne pas le voir. N’importe qui, même extérieur, le verrait. N’importe qui percevrait tout le désir fou qu’ils ressentent l’un pour l’autre. Cette attraction déstabilisante. Une attirance aussi belle que terrifiante, liée à cet amour presque sacré qu’ils éprouvent.

“Arrête-moi…” Elle frisonne de l’entendre le dire si directement, dans un tel murmure. Tout en ouvrant fébrilement ses paupières, elle ne peut que le tuer amoureusement avec son regard sombre. Tremblante. Envieuse. Pourtant, Erin reste sage. Quand bien même cela la frustre beaucoup trop. Quand bien même ses joues ne perdent pas cette foutue couleur. Finissant par lui sourire en douceur, elle finit par déclamer, dans un souffle aussi chaud que chantant « Je peux essayer de trouver une blague nulle si tu veux… » Elle cherche dans sa tête, du coup. Elle cherche tout en s’amusant distraitement avec le col de son T-shirt, histoire de se calmer-même. « Que font les dinosaures quand ils n’arrivent pas à se mettre d’accord ? » Finit-elle par questionner en remontant son beau regard vers lui, leurs nez se refrôlant bien trop tendrement. « … Un tirajosor. » Et malgré elle, elle ne peut que pouffer de sa propre bêtise en s'excusant. Un joli rire lui échappe, si rare venant d’elle, juste avant que ses lèvres viennent déposer un dernier baiser sur les siennes. Aérien. Prompt. Tout en finissant par se redresser quelque peu, elle vient le regarder, caresser doucement sa joue. « Je ne suis pas prête de toute façon. » Indique-t-elle, ne sachant pas si elle mentait ou non. D’un coté, elle se damnerait pour pouvoir revivre un tel instant avec lui. De l’autre, l’impression que ça ne serait pas totalement Jisoo la freine. Alors oui. Et non. Comme toujours, tout est confus… « Mais je suis vraiment heureuse de passer cette soirée avec toi, Jisoo... » Avoue-t-elle dans un murmure doux, adorablement fragile. Cette part si vulnérable d’elle, si belle... qu’on crève d’envie de protéger, d'envelopper… Et qu’elle n’a toujours dévoilé qu’à lui.

                                                             

Elle l’écoute. Elle l’écoute et leurs regards viennent se rencontrer à nouveau. C’est bizarre, mais rien que ça, envoie une nuée de papillons au creux de son ventre. Il ne peut empêcher un léger sourire, doux, sincère, étirer ses lèvres rougies par leur baiser. Et il remarque, également… cette jolie couleur sur les joues d’Erin. Jisoo ne peut pas s’empêcher de venir les toucher, souriant un peu plus en sentant cette chaleur. Qu’elle est mignonne. Est-ce qu’on lui a déjà dit ? A quel point elle peut être mignonne, cette Hyun Erin… et le sourire finit par percer, sur son visage de tsundere. Touché en plein coeur. S’il n’avait pas été totalement dévoué au fait d’être sage, il aurait fondu sur ses lèvres à nouveau. Au lieu de ça, il s’accroche à ses lèvres, s’accroche à son regard et ses mots. Une blague nulle ? Le timbre de sa voix fait frissonner le fond de ses tympans. Il reste silencieux pour écouter ce qu’elle va lui raconter, laisse leurs nez se caresser l’un l’autre au rythme de leurs respirations. Oui. Est-ce qu’ils peuvent rester comme ça toute la nuit ? Au final, il n’a même pas besoin de l’embrasser… mais s’il peut juste l’avoir contre lui, et la regarder dans les yeux… sûrement serait-il comblé.

Erin raconte sa blague, mais Jisoo ne rit pas. Sûrement par surprise, en voyant ce sourire venir éblouir son visage, cette esclaffe venir résonner dans ses oreilles. ce qu’elle est belle. Bon dieu, ce qu’elle est belle. Erin vient se pencher vers ses lèvres avant que lui ne le fasse, ce qu’il aurait fait sans aucune hésitation. Belle, belle, belle. Il ferme les paupières un instant pour profiter de la milliseconde de ce baiser aérien, avant de venir la regarder à nouveau. Profiter des doigts qu’elle laisse sur sa joue. Je suis amoureux, je suis amoureux, je suis totalement amoureux se répète-t-il en l’observant, une lueur toute particulière au fond des yeux. Comment fait-elle ? Pour faire repartir son coeur en trombe, avec trois fois rien.

Il ne perd pas son sourire. Et lui avoue être heureuse et il sourit un peu plus. Son esquisse est si belle qu’il en pleurerait. “C’est moi qui suis heureux…” souffle-t-il sans perdre son regard une seule seconde. Ses doigts viennent se poser sur ceux d’Erin, affairés contre sa joue. Et il les caresse, doucement. “Tellement heureux” répète-t-il en soufflant, laissant finalement ses yeux faire le tracé des traits de son visage. Si belle. “tu ne m’en veux pas, Erin ?” commence-t-il doucement, en venant replacer une mèche de ses cheveux, “tu ne m’en veux pas si… si ton amoureux revient… je ne pourrai pas te lui laisser. je ne le ferai pas. je refuse. c’est égoïste ? c’est égoïste, sûrement… je m’en fiche… c’est bête, j’ai toujours voulu avoir tout un tas de choses rien qu’à moi… et toi… toi j’aimerais particulièrement que tu le sois...à moi. et encore plus… encore plus, j’aimerais être à toi. je n’ai jamais été à qui que ce soit. tu crois que j’y arriverais ? pouvoir dire à tout le monde… “je suis à erin. je suis à hyun erin. et elle… elle est à moi. rien qu’à moi.”” demande-t-il en chuchotant

Heureuse. Elle est heureuse. Simplement heureuse. Et elle le dit, sans aucune crainte, sans l’ombre même d’un doute. Depuis combien de temps, ce mot n’avait plus franchi la barrière de ses lèvres ? Depuis combien de mois, ce sentiment si agréable avait déserté son cœur ? Trop longtemps. Des siècles. Et peut être est-ce juste une illusion…  mais le regard qu’il continue de plonger dans le sien sans limite à cet instant précis… Cette lueur brillant de ses yeux aiguisés… Ce contact… Tout ça lui donne l’impression de l’avoir enfin retrouvé. Même sans les souvenirs. Même sans les plus beaux moments du passé . Doit-elle continuer de tout risquer pour ces derniers ? Jisoo est là. Jisoo est près d’elle. N’est-ce-pas ça, le plus important ? Sans le perdre des yeux une seule seconde, c’est une Erin émue et confuse qui continue de cajoler la joue du kwon. Elle ralentit ses caresses lorsque ses grands doigts viennent se poser sur les siens. Lorsqu’il lui vient replacer une mèche de cheveux derrière son oreille. Lorsqu’il lui affirme à son tour être heureux, tellement heureux. Comment pourrait-elle douter de lui ? Elle sent à quel point il est sincère, à quel point il peut être épris d’elle. Malgré sa perte de mémoire, il a malgré tout porté son attention sur elle. Il a tout de même craqué. Peut être est-ce son inconscient ou tout simplement la vie qui veut ça. Un destin beaucoup trop farceur, adorant visiblement les faire tourner en bourrique. Seulement Erin s’en fout. Erin est simplement heureuse de pouvoir le retrouver, malgré la peur que cela ne fasse qu’empirer les choses. Parfois, même les soldats les plus braves et les plus valeureux ont leur faiblesse. Parfois, ils n’ont pas d'autre choix que de baisser leur garde.

“je suis à erin. je suis à hyun erin. et elle… elle est à moi. rien qu’à moi.” Tout en buvant chacun de ses doux murmures, son cœur se gonfle de chaleur. Une bouffée d’amour et de joie, d’émotion palpable. Sans réussir à cacher le délicieux trouble qu’il lui fait subir, la belle anglaise ne peut qu’admirer le jeune homme avec tendresse, finissant par sourire de nouveau. « Est-ce bien Kwon Jisoo qui parle ? Le même Kwon Jisoo qui avait été un vrai crétin lors de son réveil à l’hôpital, mm ? » Et sans se priver, elle lui donne une pichenette sur le front, en guise de gentille punition. Petite vengeance bienveillante. Elle a le droit, non ?  « Pour la peine. » Indique-t-elle en le toisant d’un air à la fois supérieur et ronchon, ses lèvres dessinant un joli rictus par la suite. Pour autant, ses doigts remontent jusqu’à son front pour le caresser à son tour, le soignant de la petite douleur qu’elle a causé. « Être à moi… ? Tu serais prêt à arrêter de séduire la terre entière rien que pour moi ? Tes fans ne s’en remettraient pas… »  Naturellement, elle finit par revenir se blottir contre lui. Tendrement et sans le regarder, songeuse. Simplement contre lui et dans ses bras. « Ce que je vais dire risque de te sembler illogique mais… le fait qu’il revienne peut être un jour ne dégradera en rien notre relation. »  Finit-elle par assurer, après un long silence. En fait, c’est même le contraire. Ce serait… dix fois plus fort encore qu’avant. Que maintenant. Tout ce qu’on ressent serait décuplé. Nichant le haut de son crâne sous sa mâchoire, Erin ferme les yeux. «...J'ai envie d'être à toi. » Chuchote-t-elle ensuite, tout bas. S’il y a bien une personne à qui je dois appartenir sur cette terre… c’est bien ce stoopid boy, adorable et maladroit de Kwon Jisoo. Je suis totalement, entièrement et désespérément à toi. Et je l’ai toujours été… Fébrilement, son joli minois se redresse pour que leurs regards se retrouvent. L’anglaise semble triste et sincère à la fois. « Tu veux bien me faire confiance... ? Croire en moi ? J’ai encore besoin de temps. Juste encore un peu… »

                                                             

Il parle trop. Se confie trop. Ses mots, qui sont d’habitude si réfléchis, sortent en bribes qui ne font que peu de sens. Pourtant… il ne voit pas d’alternative. Que de lui offrir, sans filtre, les pensées comme elles voyagent au creux de sa tête. S’arrêtant, se croisant, repartant. Et au final, elle doit en avoir compris le plus important… même si lui même… n’arrive pas à l’assumer. Il n’a jamais dit ces choses à aucune fille ou en tout cas, il ne l’a jamais dit sincèrement. Non. Lui, tout ce qu’il a connu… c’étaient les belles paroles pour faire tomber les jeunettes, avant de leur briser le coeur, sans aucun scrupule. Où est ce Jisoo ? Et pourquoi se reconnaît-il si peu depuis son réveil ? Il suppose que… beaucoup de changements ont dû s’opérer, durant cette année qui, encore, manque à ses souvenirs. Il ne doute pas que, peu de temps après leur rencontre, il se soit attaché avec autant de force à Erin. Cela ne lui semble pas être un événement né des circonstances, mais une évidence, en les mettant dans le chemin de l’un et de l’autre.

“Je n’ai pas fait exprès… d’être un crétin” ne peut-il s’empêcher de lui répondre, dans un souffle. Non. Et il le regrette depuis ce jour. Il avait été ce lui là : le Kwon Jisoo qu’il connaît, ou peut-être devrait-il dire maintenant, connaissait. C’est faiblement qu’il sourit face à sa pichenette, encore plongé dans ce moment. Revivant la panique de ce réveil. Avait-il imaginé à ce moment là que plusieurs mois plus tard, il en serait au même stade ? Non. Au final, malgré cette perte, malgré ce gros trou dans ses souvenirs… il a réussi à se remettre sur pieds assez facilement. C’est à peine comme s’il n’était rien arrivé. Ou peut-être est-ce la vision qu’il en a, lui, parce qu’il n’a rien à quoi comparer. Qu’en pensent les autres ?... Il a envie de leur demander, mais le sujet, il lui paraît, reste sensible. Alors tant pis. Peut-être doit-il faire le deuil de ce bien qu’on lui a arraché… et tenter de se concentrer sur l’avant, au lieu de boucher les trous. Même les mots d’Erin, ne font pas de sens. Si cet homme mystérieux fait partie au passé, alors il le laissera là, et profitera de la jeune femme comme si elle n’était qu’à lui. Il n’y voit pas d’autre option.

Il se sort de ses réflexions lorsqu’elle lui annonce. J’ai envie d’être à toi, et il expire, laissant son souffle faire voler quelques mèches brunes au sommet de sa tête. A toi, à toi, à toi, les mots sont si doux, et ne cessent de créer des nuées de papillons au creux de son ventre. Il la serre un peu plus fort contre lui et ne peut s’empêcher de poser un baiser contre le haut de sa tête. “Est-ce que j’ai le choix ?” vient-il finalement répondre, en venant rencontrer son regard. Peut-il vraiment dire “non” ? Peut-il vraiment la repousser ? ce n’est pas comme s’il avait… quoi que ce soit d’autre auquel s’accrocher. Peut-être que ce n’est pas la chose la plus saine, mais il ne peut s’empêcher de tout faire tourner autour d’Erin. Les tenues qu’il choisit, il se demande s’il les aimera. Les paroles qu’il adresse aux autres, il se demande ce qu’elle en pensera. Tout est calculé, sauf lorsqu’il se retrouve en sa présence. Et alors, il se trouve bien bête de faire tant de pièges pour l’attirer à lui, alors qu’il pourrait juste lui exiger. “Je t’ai déjà dit que j’attendrai” finit-il par lui lancer dans un soupir, ne résistant pas à venir chercher ses lèvres une nouvelle fois. “à quoi bon se presser…” lance-t-il entre deux baisers, se surprenant lui même de tant de patience et de sagesse. Lui. On verra ce qu’il en dira demain, ou dans une semaine. Et il suçote ses lèvres avec envie, enfonçant ses doigts contre le creux de sa taille. [color=steelblue]“je prends ta demande comme honnête” susurre-t-il en venant embrasser la ligne de sa mâchoire, en direction de son oreille “ne t’étonne pas si je m’accroche à toi. ne t’attends pas à ce que je me lasse ou à ce qu’à force d’attendre, je passe à autre chose. tu me l’as demandé, Erin, maintenant… je ne te laisse plus partir” achève-t-il contre son oreille.